Le Monde du Yoga

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Ego et égocentrisme

Publié le 26 septembre 2003

La voie du yoga n’est pas la négation de soi dans l’amour de l’autre. Au contraire, il faut commencer par être conscient de soi, et en paix avec cette conscience, pour être en paix avec l’autre. Car comment se donner si l’on se nie? Aimer suppose d’exister.

« […]
Dans les divers milieux du yoga -ou plutôt des yogas- on parle beaucoup de l’obstruction qu’oppose l’ego à l’évolution intérieure et de la nécessité de s’en débarrasser. Et l’on cite volontiers à l’appui de cette conception des textes fracassants de la Bhagavad Gîta. Pourtant des autorités non moindres que Swâmi Vivekânanda et Shri Aurobindo affirment sans ambages que la conscience de l’ego est indispensable dans la vie en général, et en particulier pour toute sâdhanâ. Y a-t-il contradiction? C’est une question que l’on m’a souvent posée.

En réalité cette apparente contradiction repose sur une confusion entre deux choses tout à fait différentes: la conscience d’être un individu distinct de son environnement, qui est l’ego, et le désir de chercher par priorité sa propre satisfaction, qui est l’égocentrisme ou égoïsme.

Sans cette conscience d’être une entité distincte des autres, il est bien évident que nous ne pourrions ni éprouver le désir d’évoluer, de progresser, ni faire aucun effort pour y parvenir; nous redescendrions à ce que nous supposons être le plan de conscience de la pierre, du minéral. La conscience de l’ego est la caractéristique de cet état intermédiaire entre l’inerte inconscient et le Suprême (quelle qu’en soit notre conception) où nous n’aurons plus conscience de notre individualité par opposition au « non-moi ». Krishna en spécifie d’ailleurs l’emplacement chronologique dans le cours de l’évolution cosmique ou individuelle.
[…]

Ce dont parle Krishna plus souvent dans la Bhagavad Gîtâ -quel que soit l’avis des traducteurs- c’est de tout autre chose: ce que nous appelons égoïsme ou égocentrisme, avec ses corollaires inévitables que sont l’orgueil (y compris la certitude d’avoir toujours raison) le désir de possession ou de jouissance et la peur.
[…]

Je ne saurais terminer cette note sans rappeler une phrase que m’a dite un jour Swâmi Yatîswarânanda: « Tant que vous voyez comme différents votre intérêt et l’intérêt de l’autre, c’est que vous n’y voyez pas clair ». Ce qui rappelle une observation que j’ai entendu faire plusieurs fois par des hindous: Jésus a dit « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », il n’a jamais dit « Tu aimeras ton prochain mieux que toi-même ». C’est peut-être là la meilleure voie pratique à l’élimination de l’égocentrisme en attendant d’ en être suffisamment dégagé pour espérer progresser vers de brefs séjours dans l’état où l’ego a disparu. ”

Revue Française de Yoga, n°27, « Passeurs entre Inde et Europe », janvier 2003, pp. 109-114.

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