Le Monde du Yoga

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L’Energie : unité et multiplicité

par Michel Crozon | Publié le 30 septembre 2003

En cherchant à comprendre l’univers, l’homme a progressivement réalisé quel rôle clé y jouait l’énergie. Cela lui a permis des progrès fabuleux dans les domaines de la physique et de l’astrophysique. Des progrès qui ont enrichi la réflexion métaphysique : découverte d’autres galaxies, théorie du big bang… autant de remises en cause des croyances traditionnelles.

« […]
Newton démontre que les objets célestes et les objets terrestres répondent aux mêmes lois. Galilée avait déjà constaté qu’ils étaient semblables en tournant sa lunette vers la lune et en y observant des montagnes, comme ici-bas. Mais ce rapprochement a été perçu comme blasphématoire.

Newton a construit une première théorie, celle de l’attraction universelle, qui concernait le mouvement des planètes autour du soleil, de la lune autour de la terre. Cette théorie dit que toutes les masses s’attirent entre elles. Newton l’a mise en équation, donnant aussi naissance au calcul différentiel. Il a donc expliqué, à partir d’un principe unique, celui de l’attraction universelle, pourquoi la pomme tombe, pourquoi la lune tourne autour de la terre et pourquoi la terre tourne autour du soleil. On put alors calculer la trajectoire de la terre, déduire la vitesse d’une planète de sa distance au soleil… Avec une théorie unique et cohérente, Newton a réuni les phénomènes célestes et terrestres. La mécanique céleste était devenue aussi une mécanique terrestre, baptisée « mécanique rationnelle », car répondant à la raison des mathématiques. Dans leurs observations, dans leurs calculs, les chercheurs ont mis en évidence des invariants, des constantes.

Ici, l’invariant est l’énergie. Ils ont donné une définition technique de l’énergie, en distinguant d’une part l’énergie « cinétique », c’est à dire l’énergie de l’objet en mouvement, et d’autre part son énergie potentielle, celle qui est prête à se transformer en mouvement. L’énergie potentielle se transforme en énergie cinétique et inversement, mais la somme des deux reste constante. […]

LES DIFFÉRENTES FORCES

La suite de l’histoire se déroule au XIX’ siècle, quand Sadi Carnot, ingénieur, écrit un livre, « Réflexions sur la puissance motrice du feu ». Il y énonce le principe de l’équivalence de la chaleur et du mouvement, démontrant que la chaleur est une forme d’énergie au même titre que l’énergie du mouvement, énergie potentielle et énergie cinétique. Il unifie alors ces deux domaines jusque là disjoints, et, en rassemblant l’énergie de la chaleur et celle du mouvement, établit le principe de base de la machine à vapeur. Cette invention a eu d’énormes conséquences sur le développement de notre société, et en particulier sur le remplacement de l’homme par l’énergie mécanique.

Ainsi la notion même d’énergie s’élargissait: la chaleur et le mouvement étaient deux formes d’énergie, mais d’autres formes pouvaient encore être considérées comme équivalentes. Cette symétrie, mise en équations, permit de dire qu’une calorie valait tant d’énergie-mouvement, tant de joules. On savait combien de « mouvement » produiraient une marmite d’eau chaude, combien on pourrait soulever de kilos. On put passer de l’un à l’autre, du mouvement à la chaleur, de la chaleur au mouvement, par une équivalence réelle, et l’énergie se conservait à travers tout le système. C’était vrai également pour l’énergie électrique, comme on le découvrit à la même époque, avec l’invention du moteur électrique. C’est encore vrai pour l’énergie chimique. On a rassemblé ainsi beaucoup de catégories sous l’idée d’énergie, et même si les écritures étaient techniquement compliquées, on a pu fédérer tous les types de forces matérielles agissant sur l’univers. Ce concept d’énergie recouvre beaucoup de manifestations extrêmement différentes, et encore je n’évoquerai pas ici l’énergie spirituelle, un concept qui ne relève pas du physique.

Les équations de Maxwell constituent la plus grande synthèse scientifique du XIX’ siècle, parce qu’il a réussi à expliquer les phénomènes électriques et magnétiques, et que lorsqu’il a établi ses équations et qu’il les a fait fonctionner, il s’est aperçu qu’il devait prendre en compte la vitesse de la lumière. Ainsi, il a pu en déduire que la lumière était faite de vibrations électromagnétiques, ce qui n’avait pas encore été démontré à l’époque. Avec la théorie de Newton, les équations de Maxwell illustrent parfaitement pour les physiciens le pouvoir unificateur de la pensée théorique et mathématique. En effet, un jeu d’équations assez simple englobe les manifestations extraordinaires du magnétisme et de l’électricité, jusqu’alors pleines de mystère, d’esprits et de causes difficiles à approcher. Cette synthèse a donné naissance à l’électromagnétisme.

Après la thermodynamique et les équations de Maxwell, la recherche bascule du macroscopique vers le microscopique. Démocrite ou Lucrèce avaient intuitivement senti qu’on ne pouvait indéfiniment diviser la matière, d’où l’idée d’atome, mais aucun des moyens de l’époque ne permettait d’appréhender d’aussi petites dimensions. Il a fallu employer des moyens indirects pour se convaincre de l’existence des atomes, ce qui a pris un certain temps; la théorie cinétique des gaz a permis d’en approcher la manifestation. Les chercheurs ont appliqué les lois de la thermodynamique à des boules minuscules, et ils ont pu ainsi rendre compte des propriétés de la chaleur. Ils ont vérifié que l’air dans lequel la chaleur se propage est composé de petites « boules » en mouvement qui rebondissent très vite et constamment les unes contre les autres. La chaleur est l’énergie de ces petites « boules », et la notion de température est liée à la notion d’énergie cinétique. Une fois de plus, on rassemble deux phénomènes sous une même idée. En réalité la grande quête de l’atome débute à la fin du XIX’ siècle, et elle n’est pas terminée. Elle a emprunté plusieurs voies.

THÉORIES ET HYPOTHÈSES CONTEMPORAINES

Dans la droite ligne de Newton, dans la recherche concernant le mouvement, la vitesse et la lumière, on aboutit à la théorie de la relativité d’Einstein, qui a résolu certaines contradictions des concepts de l’époque en énonçant les théories de la relativité restreinte et la relativité générale. Il a pu montrer l’équivalence de l’énergie et de la masse, le fameux E=mc2. Cela signifie que toute masse est de l’énergie concentrée, et que l’on peut passer de l’une à l’autre, selon des modalités très précises: la matière reste à peu près stable, car sa cohésion est assurée par un système de règles qui la contient. D’abord en théorie, puis maintenant dans la réalité, les physiciens transforment de la masse en énergie et inversement. Certes, ils ne fabriquent pas de grosses masses, car il faut déjà beaucoup de travail pour obtenir de toutes petites masses. Ainsi, l’univers n’apparaît plus comme composé de masses qui se meuvent dans l’espace et d’énergies qui les mettent en mouvement, mais seulement d’énergie, tantôt sous forme de masse, tantôt sous forme de mouvement.
[…] ”

Revue Française de Yoga, n°15, « L’énergie en question », janvier 1997, pp. 99-108.

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