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Les principes de base de la médecine ayurvédique, réflexions personnelles sur son intérêt pour un professeur de yoga

par Laurence Maman-Courtejoie | Publié le 17 septembre 2003

L’ âyurveda, science de la vie, offre non seulement une grille de compréhension du fonctionnement du corps humain, mais aussi une véritable hygiène de vie, notamment dans le domaine alimentaire. L’observance des règles ainsi proposées est facteur de santé et d’équilibre mental comme physique.

« Elaborée au plus tard dans le courant du premier millénaire avant Jésus-Christ, la médecine âyurvedique a les caractères d’une médecine holistique. Extrêmement respectueuse des relations entre l’homme et l’univers, elle envisage la santé et la maladie comme résultant d’équilibres ou déséquilibres entre les éléments dynamiques qui définissent la variété des constitutions humaines et sont influencés en particulier par les rencontres faites dons l’environnement (conditions climatiques et géographiques, environnement social, alimentation…). Cette vision peut apporter au professeur de yoga, qui n’est pas médecin, un enrichissement en ce qui concerne, d’une part l’aspect relationnel de sa discipline, d’autre part la possibilité d’observer plus finement un élève et de lui proposer des pratiques plus individualisées.
[…]
L’âyurveda s’est élaborée à partir de siècles successifs d’apprentissage par l’expérience de l’action des différents moyens préventifs et thérapeutiques mis en oeuvre (diététique, hygiène de vie, techniques de « nettoyage » du corps, médications… ). Cette approche pragmatique s’est intégrée à une vision systématisée de l’homme en interrelation complète avec son environnement, qu’il le veuille ou non.

La démarche en âyurveda est préventive avant d’être curative. On peut se dire que cala était indispensable à une époque où les moyens thérapeutiques étaient plus limités que de nos jours mais il n’est pas moins vrai que nous constatons, aujourd’hui, les limites des systèmes dans lesquels, sous prétexte que la science a les moyens de tout guérir, on s’autorise tous les excès.

A – Les éléments et fonctions constitutifs de l’organisme

1) Les tridosha
[…]
Les cinq mahâbhûta, éléments les plus tangibles du monde manifesté selon le Sâmkhya, sont représentés dans le corps humain sous la forme de trois principes ou « humeurs »; nous les désignerons, comme cela est généralement fait pour plus de commodité, par le terme de tridosha, bien que ce mot se réfère à la situation dans laquelle ils sont perturbés et donc générateurs de maladie, le terme de tridhâtu désignant leur état normal.

– l’éther et l’air s’associent pour donner vâta (le « vent »)
– le feu et l’eau donnent pitta (le feu »)
– l’eau et la terre donnent kapha (le « phlegme »).

Ces trois éléments circulent dans tout le corps et sont responsables de ses fonctions en même temps qu’ils influencent les qualités mentales (il est notable que la pensée du médecin âyurvédique ne dissocie pas ces deux aspects). On définit la santé comme un bon équilibre entre ces trois fonctions de base et la maladie comme le résultat d’un déséquilibre entre elles. Le praticien âyurvédique a donc pour rôle d’aider le patient à rétablir une organisation dynamique interne correcte.
[…]
2) Les autres éléments constitutifs de l’organisme

a) Les sept dhâtu

Ce terme, souvent traduit par « tissu », signifie « élément de construction ». Ces sept tissus fondamentaux selon l’âyurveda sont souvent présentés comme dérivant les uns des autres, ce qui fait que la perturbation de l’un affecte le suivant et ainsi de suite:

– rasa, souvent traduit par chyle: ce qui résulte directement de l’absorption intestinale.
– rakta: le sang, qui gouverne l’oxygénation.
– mâmsa: le tissu musculaire, qui recouvre les organes vitaux délicats, mobilise les articulations et maintient la force physique.
– medas: le tissu graisseux.
– asthi: le tissu osseux.
– majja: la moelle osseuse.
– shukra: les cellules reproductrices mâles et femelles,

Il existe un « huitième » dhâtu, quintessence des sept autres: ojas, que l’on peut traduire comme « force vitale », dont le siège primitif est le coeur, à partir duquel il se diffuse à tout l’organisme pour en assurer l’énergie de base. […]

b) Les trois mala

Il s’agit des substances éliminées par l’organisme. Le nécessaire équilibre entre les constructions et les produits d’elimination est représenté en âyurveda sous la forme de l’équilibre entre les sept dhâtu et les trois mala:

– les selles, mises en relation avec la force,
– les urines, mises en relation avec l’hydratation du corps,
– la sueur, mise en relation avec le bon état de la peau et des annexes cutanées, ainsi qu’avec le contrôle de la température corporelle.

3) Agni: le feu (en particulier digestif)

Même si vâta est le principal dosha, ce serait négliger un aspect important de l’âyurveda que de ne pas évoquer la grande importance accordée à la digestion, en particulier par l’intermédiaire de l’élément feu, pour le maintien de la santé.

Agni, le feu (schématiquement un autre nom pour pitta), est présent d’abord dans la région de l’estomac (jatharâgni). S’il fonctionne bien, les aliments ingérés sont correctement brûlés, ni trop, ni trop peu, puis assimilés. S’il fonctionne mal, les agni présents dans les sept dhâtu (pour en assurer nutrition et défenses immunitaires) et aussi dans les aliments ingérés, ne permettront pas à eux seuls une métabolisation correcte.
[…]
Si l’on définit des terrains ou des pathologies résultant de la prédominance d’un ou plusieurs dosha, il ne faut jamais oublier que ces trois « éléments » ou « fonctions » concourent ensemble à l’équilibre de l’organisme:

– kapha, en apportant tout ce qui est construction (cf. Brahmâ dans la mythologie hindoue), cohésion, stabilité.
– pitta, en maintenant l’équilibre des combustions qui, à partir des aliments de toutes sortes, fournissent à l’organisme la chaleur et l’énergie indispensables (cf. Vishnu).
– rata, en donnant vie et mouvement à l’ensemble de l’organisme, en particulier à kapha et pitta; en marquant également, comme le dieu Shiva, la fin de tout processus, la destruction qui permet à tout le cycle de reprendre.
[…]
EN GUISE DE CONCLUSION: CE QU’APPORTE L’AYURVEDA A MA PRATIQUE DE MEDECIN ET DE PROFESSEUR DE YOGA
[…]
il a été amplement répété dans cet article que les troubles de vâta prédominent souvent dans les pathologies et sont les premiers à corriger. On pourrait dire qu’il s’agit de tous les troubles au départ « fonctionnels », liés par exemple à des perturbations neurovégétatives (des mouvements péristaltiques du tube digestif ou des contractions du coeur, des vaisseaux ou des bronches…) et qui, dans un deuxième temps, peuvent aboutir à des troubles organiques puis les entretenir. Or la pratique du prânâyâma est en prise directe sur ces dérèglements de vâta (cf Bhagavadgîta: offrir prâna à apâna et apâna à prâna). A nous de bien utiliser cet instrument très délicat mais infiniment précieux.

La démarche préventive en âyurveda implique beaucoup l’alimentation. Sans se prendre pour un diététicien, un professeur de yoga doit à mon sens attirer l’attention de ses élèves sur l’importance de cet aspect. La Bhagauadgîtâ à nouveau, ou la Hatha-yoga Pradîpika, insistent d’ailleurs sur les modifications alimentaires adaptées au yogi. Il ne s’agit pas de proposer un système dans lequel l’élève va s’enfermer, mais de lui rappeler combien le fonctionnement de son tube digestif l’influence. J’ai d’ailleurs été très frappée, étudiant de près l’approche contemporaine du Docteur Kousmine, que certains doivent connaître, de constater que les propositions d’ordre alimentaire (et d’hygiène de vie) faites par ce médecin suisse concernent fondamentalement les dérèglements de vâta.
[…] »

Revue Française de Yoga, n°3, « De la santé au salut », janvier 1991, pp. 129-148.

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