Pratique vocale (anatomie, physiologie et usage de la voix)
Publié le 05 août 2005
La phonation est un processus complexe qui met en jeu les relations entre le physiologique et le spirituel. L’harmonie de ces interactions peut résulter d’un travail vocal au sein duquel le langage corporel a sa place, en vue de rejoindre l’être qui nous habite.
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D’abord une définition : « La voix est une expiration, sonorisée par la mise en vibration des cordes vocales, au passage de la colonne d’air expiré. »
Cette transformation est appelée « phonation », elle résulte de la synergie existant au niveau de :
– la soufflerie (organes expiratoires),
– le vibrateur (larynx qui sonorise l’air),
– les résonateurs (pharynx, bouche, cavités nasales, qui modulent le son),
– le cerveau : chef d’orchestre de l’ensemble phonatoire par l’intermédiaire des nerfs du système nerveux central et qui délègue en partie le contrôle à l’appareil auditif (boucle audio-phonatoire).
C’est au niveau de la bouche que la voix est transformée en parole, c’est-à-dire qu’elle prend une signification codifiée dans et par le langage (les linguistes parlent du « signifiant » qui est le support – acoustique, lorsqu’il s’agit du langage verbal du concept ou « signifié »).
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LA VOIX
Compte tenu de l’ensemble des fonctions et organes mis en oeuvre dans la phonation, il n’est pas étonnant que la voix que nous émettons recèle une multitude de facettes, qui constituent notre identité vocale et contribuent à la création de notre personnalité. Notre voix est effectivement partie inhérente de l’image que nous donnons aux autres et qu’ils se forment de nous. Elle est, avant tout, une « voie de communication » qui nous relie aux autres. Si l’on se réfère à l’une des définitions du yoga, présenté comme un « lien », on ne s’étonnera pas que tant de yogi pratiquent une technique vocale.
1 – Qu’est-ce qu’une voix donne à entendre ?
Sur quels paramètres peut-on agir lorsqu’on entreprend un travail vocal ?
– ses principales qualités acoustiques
– l’intensité (forte, faible, irrégulière, éteinte, étouffée). Liée à la pression d’air sous-glottique, souvent confondue avec l’effort nécessaire pour produire la voix, ce qui entraîne un comportement dit de « forçage vocal », parce que le larynx ne joue plus son rôle de clapet mais devient le moteur énergétique de la voix.
– la hauteur (nombre d’ouvertures glottiques et fréquence du son). Cette hauteur dépend, pour une part, de la taille du larynx. Les sons sont, en principe, d’autant plus graves que le larynx est plus grand et descend plus bas : ceci explique les différences fondamentales de l’aigu vers le grave, des voix d’enfant, de femme et d’homme et aussi la modification de la voix au moment de la mue. Elle est souvent improprement liée à l’intensité, surtout dans le mécanisme de forçage vocal. L’étendue de la voix ou registre est l’ensemble des notes qu’un sujet est capable d’émettre.
– la tessiture représente l’échelle des sons émis par une voix.
– le timbre (la voix peut être : claire, sombre, brillante, mordante, éraillée, gutturale, criarde, étouffée, rauque…). Il est régi par l’épaisseur et la pression d’accolement des cordes vocales. C’est la personnalité de notre voix, sa couleur, son originalité. Il est porteur de notre affectivité et de notre personnalité. Il dépend du nombre d’harmoniques qui viennent se superposer au son fondamental que nous émettons (les harmoniques étant des fréquences multiples du son fondamental). Il est des voix, des voyelles, qui chantent et d’autres qui sont plates. Notre voix est la musique de notre corps. Lorsqu’à la place des harmoniques se glisse un bruit de souffle, on dit que la voix est voilée.
2 – L’expressivité de la voix
Notre voix est incarnée. C’est un carrefour d’émotions, de sensations, de pensées, qui la portent et l’infléchissent.
En principe, ce que nous disons et la façon dont nous l’exprimons, par notre voix et notre corps, vont de pair. S’il y a lutte entre un mental qui voudrait s’affirmer et une voix qui n’y parvient pas, sous le coup d’une émotion, il y a dissonance. Cette dissonance est toujours perçue, même inconsciemment, par notre interlocuteur.
Un travail vocal va donc s’appliquer à rétablir l’harmonie entre ce qui est exprimé et la voix. Il permet notamment de prendre conscience d’émotions, refoulées mais décelables dans la voix.
3 – L’attitude corporelle par rapport à la voix
La plupart des professionnels de la voix, professeurs de chant, de théâtre ou thérapeutes, font aujourd’hui largement appel à la relaxation corporelle pour amorcer leur travail. Cela n’a pas toujours été le cas.
L’attitude corporelle a une influence considérable sur la tonalité de la voix : on ne peut avoir une voix affirmée si l’on adopte une posture recroquevillée. Les orateurs le savent, qui préfèrent le plus souvent s’exprimer debout. On imagine mal un chef d’armée haranguant ses troupes tassé dans un fauteuil.
En plus donc de la statique vertébrale déjà évoquée, on s’attache à affermir les points d’appui (pieds, mains, etc.) qui, dans tous les cas, préviennent le recours au forçage vocal d’un larynx hyper-sollicité.
Nous parlons avec tout notre corps : c’est notre langage corporel, c’est lui qui rend notre discours crédible, s’il est en accord avec notre voix.
Il existe un parallélisme évident entre le travail de la voix et celui du yoga : tous deux commencent par une ascèse personnelle manifestant le désir d’aller vers soi à travers une technique éprouvée. Effectuer un travail vocal, laisser s’exprimer notre voix profonde, c’est abandonner les apparences.
Nous connaissons les interactions qui existent entre les modifications physiques obtenues par asana et prânâyâma et notre attitude mentale. Le travail vocal agit de la même façon pour des raisons physiologiques similaires, qui résultent de tous les paramètres que nous avons évoqués.
Si la voix tient une place privilégiée parmi tous les champs explorés par le yoga, c’est peut-être parce qu’elle est une des manifestations les plus concrètes de la Shakti, jaillissant du plus profond de nos entrailles par la mise en action des muscles vocaux qui sont parmi les plus énergétiques de notre corps.
Dans le silence d’un cours de yoga, le seul lien qui subsiste entre les élèves aux yeux clos et l’enseignant est la voix de celui-ci, rythmée par le silence. Ce qu’elle révèle n’est plus du domaine du paraître mais de celui de l’être et c’est possible grâce au don de la nature que constitue le système phonatoire.
Revue Française de Yoga, n°7, « la voix: une voie », janvier 1993, pp.153-170