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Zacharie ou la mémoire biblique

Publié le 10 mai 2005

Dieu se souvient des hommes car il se souvient toujours de l’alliance qu’il a passé avec eux et la leur rappelle, et l’Homme doit se souvenir de Dieu en s’efforçant de le rencontrer du mieux qu’il peut. Pour cela, Dieu se révèle à ceux qui le cherchent, et l’Esprit Saint, qui permet de se souvenir de son amour, est présent en chacun de nous.

« Il existe toutefois une autre dimension de la mémoire, celle qui permet de revivre des événements d’ordre spirituel. Dans la Bible, Zacharie est « celui qui se souvient de Dieu » parce que Dieu se souvient de lui. Cette souvenance du divin se retrouve dans d’autres religions. Pour la tradition indienne, védique, smriti est bien le souvenir de la révélation originelle que l’on nomme shruti. Pour le Sûfisme musulman, la cérémonie du zikr est un moment où l’expérience de Dieu émerge de son souvenir. Existe-t-il d’ailleurs une tradition religieuse qui ne soit pas assise sur cette forme vivace du souvenir, rappelé par la parole, l’incantation et l’écrit ? On peut en douter. »

« Noé, Abraham, Moïse, David sont les témoins de l’antique alliance. Pour les chrétiens, ce pacte est reconduit définitivement en la personne du Christ, né de Manie, héritier des promesses faites à David. »

I . MEMOIRE ET TRADITION

« La Révélation surnaturelle se coule ainsi dans un certain nombre d’épisodes rebutants et même franchement révoltants. Certains trouvent là une occasion de scandale et de refus. On peut aussi considérer cette crudité d’une toute autre manière et se réjouir que la mémoire biblique ne soit pas sélective. Cette absence de censure donne le ton de l’authenticité et montre la vérité divine aux prises avec les hommes avides de gloire usurpée, menteurs et criminellement dominateurs. Le péché apparaît ainsi comme ce qui bloque l’humanisation de l’homme. »

II. DIEU SE SOUVIENT DES HOMMES

« La Bible dit que Dieu se souvient des hommes et que les hommes se souviennent de leur Seigneur quand ils ne l’oublient pas, ni ne se détournent de lui pour reprendre des pratiques idolâtriques. Mais Dieu, lui, n’oublie jamais car il demeure fidèle à l’alliance qu’il ne cesse de proposer à Israel. « Se souvenir » signifie reprendre contact avec l’humanité incertaine, changeante, fascinée par des puissances mauvaises : le mensonge, la violence et toutes sortes de perversions. »

« « Se souvenir de l’amour de sa jeunesse » c’est, dans l’ordre spirituel, retrouver l’élan d’une foi qui fut peut-être naguère naïve, mais qui ne perd rien de son ardeur en acquérant sa maturité. Le rappel de cet état n’est pas celui d’un moment dépassé, mais le retour effectif à une origine. Laisser vieillir sa foi en oubliant cette référence initale est une dégénérescence, un dommage, un péché. Dieu ne perd pas de vue ce temps de la jeunesse de son peuple Israel.

« Moi, je me souviendrai de mon alliance avec toi au temps de ta jeunesse et j’établirai en ta faveur une alliance éternelle. » (Ez 16, 60.) »

« Un autre thème, celui du sommeil de Dieu, procède d’une constatation : le Seigneur semble parfois se retirer dans un silence inquiétant. Est-ce là une forme de sa colère ? Le Seigneur reste-t-il indifférent face aux malheurs de son peuple ? Ou s’est-il tout simplement endormi? »

« Veiller pour réveiller la mémoire de Dieu, telle est pour Isie la mission du prophète. »

« Quand Dieu se souvient, il répand une bénédiction très efficace. La fécondité qu’elle apporte rend fructueux tout ce qui peut donner la vie : la terre, la femme et le coeur de l’homme fidèle. De manière symbolique, le prophète Isale reprend le thème de la fécondité et de la stérilité pour montrer la puissance de Dieu capable de recréer son peuple après le désastre de la défaite et de la captivité. »

« Pour Jérémie, les révélations divines n’étaient pas un ensemble de mots dont on se souvient, mais une mémoire ardente qui investissait totalement le prophète. L’homme de Dieu ne pouvait être soulagé par ce divertissement ordinaire qu’est un moment d’oubli.

« La Parole de Dieu a été pour moi source d’opprobre et de moquerie tout le jour. Je me disais : Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son Nom; mais c’était dans mon cour comme un feu dévorant enfermé dans mes os. Je m’épuisais à le contenir, mais je n’ai pas pu. » (Jr 20, 8-9.) »

III. L’HOMME SE SOUVIENT DE DIEU

« Devant l’enfant éveillé Dieu se tient présent. Cette précision du texte rappelle que la mémoire de Dieu est d’abord pour l’homme l’expérience de sa présence. La vocation commence par le réveil de cette mémoire, par le sentiment que le Seigneur émerge des brumes de l’oubli. En fait, c’est l’homme qui sort de sa léthargie ordinaire pour découvrir que le Dieu transcendant « sommeillait » dans l’intimité de son coeur. C’est ainsi que le Tout-Puissant se rappelle au bon souvenir de l’être qu’il a choisi pour en faire un saint, un sage ou le porte-parole de son amour. »

« Pour l’homme appelé à des tâches grandioses, comme pour l’être voué à une existence ordinaire, cette réminiscence spirituelle révèle ou ravive la présence active de Celui qui trône dans la gloire, mais qui se révèle aussi dans le cheminement terrestre du Fils de Dieu, Jésus Christ. »

« La mémoire de Dieu assure sa présence permanente dans l’âme humaine, même lorsque l’homme ne pense pas à son Seigneur, ou qu’il n’est pas en train de l’aimer de façon consciente. Dieu réside au fond du coeur, l’éveil spirituel n’est qu’un constat d’une présence sans faille. »

IV. LA MEMOIRE DE L’ABSENT

« Le terme d’absence peut être entendu de diverses manières. Il peut désigner la non-réalité d’une chose. On dira par exemple : « en l’absence de moyens, ceci est impossible ». Le mot a cependant un autre sens : il manifeste un éloignement qui exclut le contact immédiat. (…)Cette distance radicale n’exclut pas la relation avec les hommes, parce que Dieu se révèle et manifeste sa présence selon la volonté de son amour. »

« (…) la profondeur de Dieu n’est pas celle des religions dites « à mystères ». Dieu ne fait pas mystère de son secret. (…)Dans l’expérience profonde de l’absence de Dieu, son existence n’est pas mise en question, elle s’identifie à une autre manière d’être là. C’est ici qu’intervient la mémoire, non pas celle qui enregistre des informations ou conserve les faits passés, mais bien celle qui actualise ce qui n’est pas là de manière ordinaire. »

« Pour le chrétien, une telle expérience est la vérification de la Résurrection, perçue comme une nouvelle création dont le Christ est la tête. L’absence devient présence par la puissance du souvenir (…) »

V. L’ESPRIT SAINT, MEMOIRE DE DIEU

« Le terme d’esprit (ruah) désigne, dans la Bible, une force qui apparaît dans le souffle de l’être vivant, mais qui se manifeste aussi dans l’ordre invisible. Cette énergie mystérieuse peut être néfaste, elle est alors l’esprit du mal, de la violence ou du mensonge. Elle peut aussi se présenter comme un Esprit Saint, émanation divine, dont l’oeuvre est empreinte de douceur, de compassion et de miséricorde. »

« L’action de l’Esprit Saint sur la mémoire humaine est ici clairement évoquée. L’Esprit permet de distinguer entre le récit des témoins oculaires et les fables sophistiquées – une autre traduction dit «tarabiscotées» – fruits de l’imagination délirante qui peut obscurcir la mémoire des faits spirituels.

La voix du récit évangélique « venait du Ciel », mais elle a fait son chemin dans le coeur des apôtres et continue de retentir en plein coeur de l’assemblée des croyants. Le souvenir peut ainsi, d’âge en âge, se transformer en expérience actuelle, dans la clarté de la lumière intemporelle de Dieu. »

Revue Française de Yoga, N°11, « La mémoire. », janvier 1995, pp.139-162.

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