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A la découverte du trésor caché ou le sens de la vie selon les Upanishad

Publié le 24 août 2005

L’équivalence posée par la pensée indienne entre l’individuel et l’universel se retrouve dans la mystique upanishad. Celle-ci met en avant l’expérience personnelle d’être à la fois Partie et Tout, en dégageant l’exigence de responsabilité inhérente à cette démarche, qui rend l’homme en quelque sorte immortel.

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Dans les textes upanishadiques, Brahman, l’essence du monde, qui est systématiquement identifié à Atman, l’essence de l’être, est fréquemment décrit en termes de lumière, de splendeur, de rayonnement, mais aussi en termes de richesse, de bien éminemment précieux, de chose rare, tous ces substantifs renvoyant à la notion du trésor.

Nous savons tous que la symbolique du trésor contient également l’idée de quelque chose de caché, de difficile à atteindre. Or, cet aspect de Brahman est aussi présenté dans les textes védiques, même avant les Upanishad, puisque dans l’Atharva Veda, on décrit Brahman comme gisant au fond du corps. « La citadelle inattaquable des dieux », dans une cassette d’or céleste dissimulée au fond de trois réceptacles.

C’est donc avec ces métaphores autour du trésor que se sont exprimés les sages védiques et upanishadiques pour nous faire comprendre cette consubstantialité, cette unité, cette continuité entre l’homme et l’univers. Or, tout l’enseignement des Upanishad consiste à nous parler de ce trésor et à nous donner une voie pour y accéder: « Voici la manière d’obtenir ce trésor unique » (Kaushîtakî Aranyaka II-3).

L’idée que le corps porte en lui les éléments de l’univers est ancienne dans la pensée indienne. On la trouve en particulier dans l’association entre Vâyu, le dieu du vent et l’homme, puisque, dès les premiers textes du Rig-Veda, le Vent est ce qui donne la vie et la maintient, chez l’homme comme chez tous les êtres.

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Ce rapport de l’homme à l’univers est un paradoxe complet, qui oblige à s’interroger sur les catégories du petit et du grand, de l’extérieur et de l’intérieur. Cette interrogation sur la complémentarité et l’unité des opposés sera d’ailleurs une des caractéristiques de toute la pensée indienne, et du Yoga en particulier.

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MYSTIQUE UPANISHADIQUE

La tendance individualisante du rituel védique va donner naissance à une spiritualité d’un autre type que celle des Veda, et à une vraie mystique. La démarche religieuse y est hautement spiritualisée et cette nouvelle orientation, d’abord réservée à une élite, finira par faire craquer les carcans rituels védiques au profit d’une autre religiosité où l’individu sera beaucoup plus impliqué dans son rapport au modèle divin: ce sera l’immense constellation de l’hindouisme avec ses grandes religions shivaïte et vishnouïte et sa recherche philosophique. Cet ensemble va vitaliser et vivifier le fond védique, tout en le complexifiant. Historiquement, la littérature des Upanishad (-800 à -400 av. JC) est donc à la fois l’ultime point de développement de la religion védique et le premier levier de basculement dans un monde post-védique. Il y a trois points forts dans cette littérature.

L’héritage védique s’exprime par l’ensemble des concepts fondamentaux et la fidélité à la parole des sages est formulée dans cette extraordinaire poésie lyrique concernant les équivalences et les connexions entre l’homme et le monde.

Mais la parole des sages ne suffit plus pour garantir la véracité de cette affirmation : il y a l’exigence de l’expérience personnelle, qui passe par la revendication d’une triple liberté : par rapport aux rituels, dans une contestation virulente du système religieux védique ; par rapport à la société, en favorisant une idéologie du hors-monde, où le but est de se retirer et de vivre dans la forêt ou dans un ermitage afin de consacrer toutes ses forces à la découverte du Trésor caché ; par rapport à soi-même, en mettant au premier plan la libération des entraves, des noeuds, de la souffrance, qui limitent cette perception du Réel et emprisonnent l’homme dans une vision étroite de sa propre vie.

L’apport ascétique est fondamental. Les Upanishad sont les premiers traités de Yoga conçu comme un exigeant dépassement de soi, comme une aventure de la conscience. C’est là que s’élabore le paysage du yogi traditionnel et son monde lumineux, anticonformiste, extraordinaire, dont nous, pratiquants de Yoga des vingtième et vingt et unième siècles, sommes des héritiers.

C’est l’ensemble de ces trois pôles qui va fonder la mystique comme « participation à ce qui ne peut pas se dire mais qui Est ».

Cette mystique upanishadique est accessible à tous ceux qui ont d’abord développé la sensibilité au monde, le sens de la beauté, puis qui ont le courage de sortir de leur vision ordinaire des choses, de leurs habitudes, de leurs conditionnements, pour prendre le risque de la liberté dans la solitude et la simplicité, et enfin qui sont prêts à une difficile réflexion et une discipline rigoureuse pour se transformer en profondeur, afin d’ouvrir les portes de la perception.

LE SENS DE LA VIE SELON LES UPANISHAD

Ce sens de la vie se décline sur trois axes : l’axe védique et sa passion pour la beauté, l’axe contestataire et le risque de la liberté, l’axe yoguique et la force de la discipline. L’ensemble de ces trois axes converge vers l’appel à l’épanouissement des potentialités de l’intelligence et de la conscience de l’homme, dans un dépassement constant de son rapport à lui-même et au monde. Ce dépassement part de la confiance en l’affirmation de la parole védique, passe par l’expérience profonde et incontestable d’une essence vitale au coeur du corps et de l’esprit, et établit alors une lumineuse et transparente évidence de la parenté entre l’individuel et l’universel.

Mais la réalisation de cette évidence nécessite le développement du sens de la responsabilité : personne d’autre que moi ne peut m’aider à parcourir le chemin vers les dieux, c’est-à-dire les forces universelles en moi, et surtout pas les prêtres ; l’engagement courageux dans le mystère, loin du connu, du rassurant, de l’habituel.

Au bout du chemin, le sens de la vie selon les Upanishad est d’accéder au « bonheur serein », Ananda, à « l’illumination », Jyoti, de « celui qui sait ainsi », Tad Evam Veda. Alors, on dira que celui-là a atteint l’immortalité, Amrita, au sens où il est alors conscient que son être est totalement prêt à vivre et donc totalement prêt à mourir, quoiqu’il en coûte, car il considère que la vie et la mort de l’individu qu’il est sont les deux moments de la pulsation nécessaire du champ existentiel dont il est en tant que personne définie, une simple partie. Si le champ de vie est comparé au feu, l’individu en sera une étincelle et si le champ de vie est comparé à l’eau, il en sera une vague. Tout le travail à mener est de tenir ensemble, dans l’expérience existentielle, les deux pôles, l’universel, le Tout, et l’individuel, la Partie.

Il y a donc bien, dans les Upanishad comme dans tout le Yoga, l’idée d’une double nature de l’homme: l’individu, conscient de sa personne séparée, jouissant pour lui-même de la vie ; et le noyau intime, pure existence, donc pure conscience et donc pure universalité.

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Revue Française de Yoga, n° 23, « Le sens de la vie », janvier 2001, pp. 285-299

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