Le Monde du Yoga

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Approche du symbolisme de la spirale

Publié le 07 février 2004

La spirale est un élément important de la symbolique judéo-chrétienne, et y représente le souffle de la vie, qui englobe l’Homme et le tire à Dieu tout-à-la-fois. Rotation et ascension, révolution et élévation, tels sont donc les mouvements qui semblent animer l’univers. Le dieu hindou Shiva, entraîné dans sa danse folle et perpétuelle, évoque un mouvement comparable.

Si nous rapprochons les deux textes qui fondent notre Tradition, nous entendons le livre de la Genèse dire : « Dans le principe Dieu crée les cieux et la terre » et l’Evangile de l’Apôtre au secret divin: « Dans le principe est le Verbe ».

Le Verbe est dans les « cieux » qui relient l’Incréé au créé en hébreu, dans les shamayim. Il est le shem dans les mayim, le Saint « Nom » YHWH dans les « eaux », les Eaux-d’en-haut et les Eaux–d’en-bas.

Indifférenciées en soi, les Eaux obéissent à l’acte créateur qui les fait se distinguer les unes des autres, mais aussi se réunir autour du Verbe, dans un incessant dialogue. Autour de Lui, corde vocale divine, les mondes s’organisent autour de Lui, cordon ombilical cosmique, les mondes des Eaux-d’en-bas reçoivent l’information des Eaux-d’en-haut qui les spire et les respire dans un flux et reflux incessant de vies jumelles; toutes deux ne cessent de se souvenir les unes des autres; elles se repoussent et s’attirent, s’enlacent et se séparent au rythme d’une mélodie que, dans les Eaux-d’en-bas, chante le Cantique des Cantiques et que dansent la Shulamite et son Bien-aimé.

« Lui se retire pour qu’elle soit…
Eaux-d’en-haut, Eaux-d’en-bas… Puis Il revient la nourrir, l’aimer, et se retire encore »…

Admirable ballet d’un incessant shabbat qui fait battre le coeur du monde et qui danse dans notre sang, lui imprimant les pulsions rythmées de la création.

Tout respire et spire de l’en-haut vers l’en-bas, de celui-ci à celui-là, de l’Un au multiple et du multiple à l’Un pour arracher au multiple l’unité qu’il recèle afin d’enrichir l’infiniment Un!

Les eaux connaissent ce secret.

Elles en informent toute la vie qui vient d’elles et en impriment le mouvement à chacune de ses parcelles, dont on sait aujourd’hui qu’elle contient le tout.

C’est ainsi qu’à partir des eaux matricielles en lesquelles baigne l’enfant, son corps d’abord liquide se densifie peu à peu en gardant la mémoire de cet univers spiralé, tendu vers son modèle dans les Eaux-d’en-haut. Pendant la durée de son ontogénèse, il intègre peu à peu les jeux d’oscillations pendulaires de l’eau ainsi que ceux de la totalité du cosmos dont il est fait : du ver spirographe jusqu’aux volutes de l’oiseau, en passant par les anneaux de la méduse, les canaux semi-circulaires du limaçon, voire les cornes hélicoïdes de l’antilope, sans parler des merveilles enroulées dans la pierre et des rythmes du moindre brin d’herbe, tout est intégré, constituant un potentiel d’accomplissement qui, à une autre octave, se déroulera vers son modèle des Eaux-d’en-haut.

Mais dans le souffle de ce premier développement triomphal, à cette simple octave de l’ontogénèse, l’image divine qu’est l’enfant programme et réalise en lui chaque membre de son corps, chaque organe, qui se trouve ainsi doté d’une forme et d’une vocation propres à l’intensité de ce souffle, qui lui est spécifique.

Et plus encore que son corps, à partir du sixième mois de ce gigantesque travail, le Verbe divin, dans une deuxième étape de son programme, forme son esprit qui plus tard le spirera vers Dieu. […]

Morts et résurrections successives, expirs et inspirs au-dedans de l’être, sont liées à l’acquisition de la connaissance, ou plutôt à la mémorisation de ce qui est enfoui en chaque être dans le secret de son Nom (le Nom est l’image divine qui fonde chacun, celle du Verbe créateur qui le vibre, qui lui confère la fonction parolière et qui l’appelle à devenir lui-même totalement Verbe). Il faudra descendre dans les profondeurs obscures des Eaux-d’en-bas (celles de l’inconscient) pour monter vers les Eaux-d’en-haut dans l’acquisition de la lumière qui est Intelligence, Présence.

Ce grand’œuvre construit, dans d’autres espaces-temps qui nous échappent radicalement tant qu’il ne nous y fait pas atteindre, la conscience. Il burine chacune de nos vertèbres, en emportant dans le subtil ce flux de vie qui laisse sa trace dans le corps même de la substance osseuse et dont chaque cellule du corps respire. Celui qui entre dans le souffle du grand’œuvre et dans le feu de son alchimie, fait l’expérience des spirales vertigineuses qui le coulent vers les abysses de son être, seules sources de lumière, et de celles qui le vrillent vers la lumière. Il ne pourrait le vivre sans être porté par l’Esprit Saint de Dieu qui, dès l’ouverture de la Genèse, « plane sur les eaux ». L’Esprit de Dieu plane mais aussi pénètre, Il « couve » mais aussi féconde les eaux. Il est feu et chaleur, vent et souffle distributeur de vie. L’Esprit est le maître de Tout ce qui spire et respire.Il est archétype inconnaissable, innommable de l’Eros, mais Il oeuvre d’une façon expérimentable par nous, dans l’infini jaillissement de l’amour divin. […]

Shiva danse dans le brasier des coeurs engagés à ce mystère de la vie, à celui de ses morts et résurrections incessantes. Shiva danse de ses pieds et de ses quatre bras dans une auréole de feu que propulse le lotus aux 12 pétales sur lequel il se pose, en anéantissant sous lui Asura, le démon de l’ignorance.

La danse est le mouvement le plus sacré et le plus archaïque ; elle atteint le cerveau ancien et fait vibrer l’Epée de feu en son orient. Elle est à la base du rituel le plus primitif, le plus authentique. Elle a les ailes de l’amour et s’envole dans le chant, prémices du Verbe.

Revue Française de Yoga, n°8, « Postures de rotation », 1993, pp. 185-190.

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