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Depuis la fécondation de l’ovule, l’être ne cesse de fabriquer de la conscience et de créer de la culture

Publié le 14 mai 2004

Nullement insignifiants, les dessins des tout-petits sont chargés de mystère. Ces dessins reproduisent les étapes de la formation intra-utérine en se basant non pas sur des réminiscences visuelles ou auditives mais sur des rythmes. Comme si l’enfant conservait une mémoire des impressions intra-utérines antérieures au développement de la sensorialité du fœtus…

« […]

Le sentiment de la conscience de soi s’élabore sans discontinuité depuis la conception, mais cette conscience non révélée connaît avec la naissance un développement surprenant. Le bébé qui arrive au monde est « immense ». Immense, parce qu’il a, pendant neuf mois, expérimenté l’univers dans tous ses détails aussi bien que dans sa globalité, comme un état paradoxal fondateur, individuel et collectif. Bien que physiologiquement séparé de sa mère depuis la conception, il connaît une unité avec elle telle qu’il n’en connaîtra jamais plus.

Quand il arrive au monde, tous les éléments nécessaires à l’émergence de la conscience sont acquis, mais pour qu’elle se révèle à lui dans les meilleures conditions il lui faut tout d’abord expérimenter une sécurité de base qui sera à l’origine de la confiance en lui.

Il trouve cette sécurité grâce à un état tout à fait particulier de sa mère: « l’empathie » que le pédiatre-psychanalyste D.W. Winnicott nomme un état de «folie saine» concédé à la mère, qui permet au bébé de ne pas se sentir différent d’elle.

Cette empathie est rendue possible grâce à la production d’hormones spécifiques et peut se prolonger tout au long des premiers mois du bébé dans la mesure où la mère se sent en sécurité et protégée par le père.

C’est le bébé qui la délivre de cette empathie tout à fait particulière quand elle ne lui est plus nécessaire. Elle assure une continuité d’être entre la mère d’avant la naissance et celle que rencontre le bébé quand il n’est plus contenu à l’intérieur d’elle: entre la mère du dedans et celle du dehors, toujours la même bien que très différente. Elle est fondatrice de la sécurité de base, favorise l’introduction de la culture et surtout de la dimension spirituelle du bébé.

[…]

Comment avons-nous pu, enfant, reproduire dans nos dessins, pourvu que nous ayons été laissés libres, les étapes de notre formation (ovule, spermatozoïdes, morula, cordé, premier stade du développement embryonnaire) alors que nous n’avions ni cerveau pour le mémoriser ni yeux pour le voir ni ouïe pour en entendre la musique?

Le mystère reste entier; cependant des explications plus générales, des suppositions ou des intuitions sont avancées: transmission génétique, peut-être? Ou bien conscience cosmique?… etc., et nous nous trouvons nous-mêmes amenés à évoquer poétiquement un « co-naissant », une instance en nous non saisissable, ni organiquement ni psychiquement, qui semble avoir ses formes, un « co-nnaissant » qui, serait mémoire non seulement du vivant, mais également du non vivant.

Pourquoi l’enfant trace-t-il d’abord des rythmes? Serait-ce ainsi que se manifesterait le « commencement » évoqué dans de nombreux écrits sacrés?

Nous avions pensé, disons… jusqu’à hier, que ces rythmes étaient la représentation du milieu dans lequel il s’est développé in utero: balancement dû à la marche de sa mère, mouvement de va-et-vient provoqué par sa respiration, impact de ses rythmes cardiaques infiniment variés; c’est très probablement juste… mais encore?

Cette manifestation de la conscience que nous nommons « verbe » n’est-elle pas rythme en-deçà de la parole? Et quand, parmi ces rythmes que trace l’enfant, on voit apparaître des ébauches organiques, on ne peut s’empêcher de penser à cette phrase de l’Évangile: «Et le Verbe s’est fait chair.» Les vibrations premières engendreraient-elles la forme? Les molécules pourraient-elles s’assembler pour produire du vivant sans vibrations mélodiques? Car la physique quantique nous apprend qu’à un stade originel de la matière onde et particule sont la même chose! Inconcevable pour notre mode de pensée symbolique et pourtant vrai et vérifiable.
transmission génétique, peut-être? Ou bien conscience cosmique?… etc., et nous nous trouvons nous-mêmes amenés à évoquer poétiquement un « co-naissant », une instance en nous non saisissable, ni organiquement ni psychiquement, qui semble avoir ses formes, un « connaissant » qui, non seulement serait mémoire du vivant, mais également du non vivant.

Le petit enfant semble nous faire part de la profondeur insondable et mystérieuse du Commencement.

En fait, ce serait la métaphore de la photographie qui serait la plus appropriée pour représenter le processus d’émergence de la conscience (ou de la symbolisation): imaginons que nous ayons été « imprégnés » (que nous ayons subi une sorte d’impression) à la manière dont est imprimée une pellicule photo, dans la chambre noire qu’est l’utérus, et qu’en naissant nous ayons été plongés dans le révélateur qu’est l’univers qui nous entoure. Ce serait grâce à ce processus, à cette « physique de l’esprit », que nous nous reconnaissons au monde et qu’en l’explorant nous nous y découvrons…

Mais revenons aux rythmes.

Dans une communication très sérieuse sur le site d’un très éminent physicien quantique, chercheur en biologie moléculaire, nous lisons: «Il est bien connu que Mozart provoque des montées de lait chez les vaches».

Il s’agit d’une recherche en biologie moléculaire menée par le docteur Joël Sternheimer. Nous y apprenons que les protéines ont chacune leur mélodie, transcriptible sur une portée musicale.

Sternheimer a mis la prolactine en musique et n’a pas été surpris de constater que sa mélodie est un thème récurrent dans l’oeuvre musicale de Mozart.

Le TAS 14 est une protéine qui absorbe l’eau et contribue à la maturation des tomates. Trois minutes de mélodie de la TAS 14 par jour permet aux tomates de consommer deux fois moins d’eau et de produire vingt fois plus de fruits…

Quant à la levure, c’est avec la Symphonie pastorale de Beethoven qu’elle se surpasse et donne un pain tellement meilleur qu’il se vend dix fois mieux, en agissant sur une enzyme (Alcohol Desydragenase, ADH).

Tout ceci pour dire que les rythmes sont présents dans l’infiniment petit de la matière organique et que c’est peut-être bien de cela que nous « parle » l’enfant quand il trace. Car il est expert en insaisissable!

Jusqu’où la conscience nous mènera-t-elle?  »

Revue Française de Yoga, n°29, « De la relation corps-esprit », janvier 2004, pp.115-125

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