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Emile Guimet, un homme universel du XIX°siècle

Publié le 26 septembre 2003

Alors qu’en Europe l’indianisme fait l’objet de l’engouement des milieux intellectuels, Emile Guimet crée le musée dont il rêve, qu’il remplit de ses collections personnelles. Aujourd’hui encore, le musée Guimet connaît un grand succès, en témoigne sa récente rénovation. Depuis la Belle-Epoque, il s’est agrandi. Il est dédié aux arts asiatiques.

« […]
Né en 1936, Émue Guimet est le fils d’un ingénieur chimiste, inventeur du bleu outremer artificiel. Sa mère est peintre, jouissant d’une certaine notoriété au sein de l’école lyonnaise. Dans un tel contexte familial, on conçoit qu’Émile Guimet ait combiné avec bonheur talents scientifiques et goût des arts. Très intéressé par la musique, il compose lui-même, et crée des fanfares dans sa région natale.

À l’âge de 24 ans, il se retrouve à la tête des usines familiales. Beaucoup plus tard, en 1887, il deviendra président de Péchiney, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort en 1918. À ses yeux, le pro-grès social passe avant tout par l’instruction. Il est administrateur de plusieurs écoles, dont Lamartinière à Lyon. Il est aussi à l’origine, dans ses entreprises, d’initiatives très innovantes pour son temps; il crée ainsi un fond destiné à financer les accidents du travail, et les retraites ouvrières.

Par bien des aspects, Émile Guimet correspond à l’image type de la figure patriarcale du XIX’ siècle, dans le meilleur sens du terme, aujourd’hui passée de mode. Devrait-on dire « hélas »? Quand on voit la manière dont les choses évoluent de nos jours…

C’est un voyage en Égypte, en 1865, qui suscite son intérêt pour les religions et pour la collection. Il commence à acheter, et admire la manière dont a été conçu le catalogue du musée de Bouraq.

D’autres voyages suivent: la Grèce en 1868, l’Algérie et la Tunisie en 1869. En 1873, il participe au premier congrès des Orientalistes à Paris, et adhère à la Société d’Études Japonaises, Chinoises, Tartares et Indochinoises. Un an plus tard, à Copenhague, il découvre un musée ethnographique qui lui laisse une forte impression. Un déclic se fait alors, et germe dans son esprit un grand projet: fonder dans son pays une institution aussi attrayante.

1876 est l’année décisive. Nanti d’une mission officielle, quoique gratuite, du Ministère de l’Instruction Publique, il s’embarque pour un périple autour du monde. Premier arrêt aux États-Unis: il souhaite visiter l’Exposition de Philadelphie, et récupérer à Chicago un jeune artiste français, Félix Régamey, qui sera son compagnon de voyage. Les deux hommes visitent le Japon, incontestablement le temps fort de leur voyage, la Chine, et l’Inde.

En 1877, ils sont de retour, et le projet de musée commence à se mettre en place. Émile Guimet organise le congrès régional des Orientalistes à Lyon en 1878, et profite de l’Exposition Universelle de Paris pour offrir au public, au Trocadéro, un échantillon des oeuvres ramenées de son expédition orientale, complétées par une série d’aquarelles de Régamey.

Le premier Musée Guimet, consacré à l’histoire des religions, ouvre ses portes à Lyon, dans le quartier de la Tête d’or, en 1879. Le bâtiment, conçu par l’architecte Jules Charron, présente, sur trois niveaux, des collections évoquant les religions de l’antiquité occidentale, de l’Inde, de la Chine et du Japon. Mais il s’avère rapidement que Lyon, ville pourtant importante, reste excentrée. Le projet lyonnais n’ira donc pas vraiment à son terme et dès 1885, Émile Guimet prend la décision d’offrir à l’État les collections de son musée, qu’il propose de transférer à Paris, dans des conditions extrêmement généreuses.

Quatre ans plus tard, le 21 novembre 1889, l’établissement de la place d’léna est inauguré par le président Sadi-Carnot. Le bâtiment reste très proche de celui de Lyon, mais avec une tout autre ampleur. Dès lors, Émile Guimet n’aura de cesse d’enrichir les collections, et d’oeuvrer pour une meilleure connaissance des religions du monde.

Pour lui, les progrès de la science et de l’industrie doivent s’accompagner de la mise en place d’une morale universelle, morale qui constitue le point vers lequel convergent tous les penseurs et les fondateurs des grandes religions. Cet état d’esprit explique les choix d’Émile Guimet. Les oeuvres, dans son musée, sont présentées avant tout selon des critères iconographiques.

L’éducation ayant, à ses yeux, un rôle fondamental, la bibliothèque, installée dans la rotonde du premier étage, classée à l’inventaire des Monuments Historiques en 1979, occupe le coeur, à la fois architectural et intellectuel, de son institution; il la veut ouverte le plus largement possible. Lui sont associés un système de conférences publiques et gratuites, ainsi qu’un programme de publications, grand public, et scientifiques. Ce seront les Annales du Musée Guimet, la Bibliothèque de Vulgarisation, la Bibliothèque d’Études, la Revue d’Histoire des Religions…

Émile Guimet subventionne aussi la recherche, finançant ainsi les fouilles d’Antinoe, en Égypte. Cette orientation égyptienne provoque parfois des scènes inattendues autant que pittoresques: la momie supposée de la pécheresse repentie Sainte Thaïs attire ainsi des centaines de pèlerins et de curieux. Il ne déteste pas non plus le théâtral: en 1891, 1893 et 1898, des cérémonies bouddhiques sont organisées dans les salles du musée ou dans la bibliothèque, et des moines japonais ou bouriates officient devant une assistance choisie où l’on peut voir Clémenceau, ou Degas. En 1905, dans la bibliothèque, un spectacle de danses brahmaniques est donné par une certaine Madame Mac Leod. L’événement est resté gravé dans toutes les mémoires, en raison essentiellement de la personnalité de la danseuse, mieux connue sous le nom de Mata Hari.

Mais il faut reconnaître qu’il n’y avait qu’un rapport très lointain entre les exhibitions de l’artiste choisie, et le Bharatanatyam ou l’Odissi, véritables danses sacrées de l’Inde.

Toujours soucieux de la valeur pédagogique de sa fondation, Émile Guimet ne dédaignait pas de recevoir en personne les enfants des écoles et de leur faire parcourir les salles.

Le 12 octobre 1918 Émue Guimet s’éteint à Fleurieu sur Saône. Une page commence à se tourner.
[…]”

Revue française de Yoga, n°27, « Passeurs entre Inde et Europe », janvier 2003, pp. 79-88.

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