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Eveil, attention, concentration… transformation

Publié le 17 septembre 2003

La concentration, qui peut être appliquée à toutes les modalités perceptuelles et sensorielles, aboutit à son degré supérieur à l’état de méditation. C’est ce que révèlent les analyses de la méditation qui ont été faites du point de vue de la conscience. Or, par la méditation, il est possible d’atteindre le samâdhi, dans lequel seule la signification de l’objet concerné subsiste.

« L’électroencéphalogramme, ou EEG, est l’enregistrement des très faibles courants électriques recueillis sur le cuir chevelu et amplifiés. Entrées et quantifiées sur ordinateur, ces activités électriques spontanées sont traduites en termes d’amplitudes (en microvolts) et de fréquences (en cycles par seconde). Il est possible, depuis bientôt quinze ans, d’enregistrer et de quantifier simultanément ces enregistrements EEG, en seize ou dix-neuf endroits sur le cuir chevelu. L’activité EEG reflète alors « l’éveil EEG local » ou la mise au repos d’une aire cérébrale donnée sous-jacente. Cela permet de définir ensuite des « cartes EEG » qui sont caractéristiques des différents états d’éveil et de sommeil. […]

Mais, si nous venons de parler d’attention, d’éveil EEG local, puis de sommeil et de rêve, ne sommes-nous pas encore trop éloignés de la « concentration » qui nous préoccupe ici ? C’est en quelque sorte implicitement que nous avons assimilé l’état d’éveil, puis d’éveil EEG local, à la concentration.

Du point de vue du développement de la conscience et non plus d’un point de vue scientifique qui reste encore parcellaire, fragmenté, refusant de parler d’états de conscience et encore plus de conscience, voyons ce qu’en dit Mère:

LA FACULTÉ D’ATTENTION CONCENTRÉE

« La faculté « d’attention concentrée » peut se développer scientifiquement par un entraînement méthodique – se développer au point d’obtenir que la concentration puisse se produire à volonté et sur n’importe quel sujet en activité. Ainsi le travail de préparation, au lieu d’être fait dans le subconscient pur une répétition lente et soutenue des mêmes mouvements, est fait consciemment par la concentration à volonté et l’attention rassemblée, centrées sur un point ou l’autre suivant le plan et la décision »…

« Le but de l’entraînement est de développer ce pouvoir de concentrer l’attention à volonté sur tout sujet ou toute activité que l’on choisit, depuis les plus spirituels jusqu’aux plus matériels, sans rien perdre de la plénitude du pouvoir »…

« Cependant, par un entraînement convenable de l’attention concentrée, on peut obtenir ce phénomène à volonté, au commandement pour ainsi dire, et la perfection résultante dans l’exécution d’une activité quelconque s’ensuit inévitablement »

« Ce n’est pas la variété et le nombre des activités qui sont la cause de la médiocrité du travail, mais l’absence de pouvoir de concentration. »

il faut apprendre à se concentrer et faire tout ce que l’on fait avec une pleine concentration. »

CONCENTRATION, DHÂRANÂ

Considérons maintenant une des définitions de dhâranâ, telle que nous la donne Swami Vivekânanda, citant Patanjali:

« Dhâranâ, c’est maintenir le mental sur quelque objet particulier. La concentration est l’état dans lequel le mental se fixe sur quelque objet, soit dans le corps, soit à l’extérieur et reste dans cet état. »

Sous cet aspect, l’architecte, le mathématicien topologiste, le sculpteur, qui sont capables de visualiser dans l’espace les formes de leurs créations non encore matérialisées, et peuvent les stabiliser en excluant tout autre objet
parasite, pratiquent cette concentration. Mais « lorsque le mental parvient à se maintenir dans cet état pendant quelque temps, c’est dhyana, la méditation ». Alors, souvent les visionnaires créatifs pratiquent aussi la méditation. Mais ce pouvoir de concentration et de méditation n’est pas seulement visuel. Il s’étend à toutes les modalités perceptuelles et sensorielles, de l’audition à la pensée, et plus encore. Le soliste de concert, pianiste ou violoniste, le chanteur, le danseur, ne sont-ils pas habités dans leurs mains, leur voix, leur corps, qui manifestent une concentration dynamique au service de l’oeuvre qu’ils cherchent à interpreter à la perfection? Le philosophe, l’écrivain, le poète, ne recherchent-ils et ne reçoivent-ils pas parfois l’inspiration, dans le silence d’une conscience rassemblée et tendue en un point d’ultime concentration?

Mais encore:

« Quand ce (dhyâna), rejetant toutes formes, reflète seulement la signification, c’est samâdhi… (Ces) trois, (pratiqués) relativement à un même objet, c’est samyama. Lorsque l’on peut diriger son esprit sur n’importe quel objet particulier et l’y fixer, puis le maintenir ainsi pendant longtemps, en dissociant l’objet de la partie intérieure, c’est samyama… La forme de l’objet a disparu, seule sa signification subsiste dans l’esprit »…

« Par la conquête de ce (samyama) survient la lumière de la connaissance. »

Cependant, ces états de conscience liés à la pratique du yoga de la connaissance sont souvent les fruits rares d’une conscience repliée sur elle-même et tendue vers des hauteurs qui disparaissent lorsque la méditation avec objet et a fortiori sans objet vient à s’interrompre…

Intégrés dans la vie quotidienne, ils peuvent être considérés comme les fruits d’une éducation intégrale, et en particulier d’une vraie éducation mentale.
[…]
Mais la pacification, la transformation du mental n’est qu’une étape de l’aventure de la conscience et de la transformation de l’être tout entier. Lorsque le yoga de la connaissance s’est fondu avec le yoga de la dévotion et le yoga de l’action, le yoga de la perfection commence. Finalement, le corps peut être à la fois l’objet et le sujet de l’évolution, de la transformation, du changement radical qui est la clé de notre crise d’humanité, de cette crise de société et de civilisation qui empoigne et menace de catastrophe notre planète toute entière. C’est cette transformation qu’a annoncée Sri Aurobindo et qu’il a vécue avec Mère à ses côtés. C’est cette conscience du corps que Mère a recherchée et établie ensuite progressivement dans ses cellules et qu’elle a racontée à Satprem de 1951 à 1973.

LE CHEMIN DU CORPS

« Et le corps humain pourra un jour agir en toute spontanéité, libre enfin de tous les conditionnements physiologiques, éducatifs, culturels et sociaux qui lui ont été surimposés au fil des âges. Alors, tous les vieux carcans tomberont de nos mains.

Le chemin du corps est ouvert, ce n’est pas la voie de l’effort, c’est une voie ensoleillée. Quelques êtres ont ouvert cette voie, d’autres pourront l’emprunter et supprimer dans l’avenir la nécessité actuelle de la souffrance et de la lutte.  »

« Un corps entièrement conscient pourrait même découvrir et façonner la méthode matérielle et le processus exact de la transformation matérielle. Pour cela, nul doute, la lumière et le pouvoir suprême de l’esprit, sa joie créatrice, doivent s’être manifestés au sommet de la conscience individuelle et avoir envoyé leur « fiat » lorsque dans le corps ; néanmoins le corps lui-même peut prendre sa part spontanée au travail de découverte de lui-même et à la réalisation. Ainsi, le corps serait le participant, l’agent de sa propre transformation et de la transformation intégrale de tout l’être; ceci ferait également partie de la perfection totale du corps, c’en serait le signe et la preuve. »

Sri Aurobindo”

Revue Française de Yoga, n°9, « Dhâranâ », janvier 1994, pp. 91-103.

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