La connaissance de soi en rééducation psychophonique
Publié le 08 août 2005
La rééducation permet non seulement d’accéder à la parole mais aussi de se saisir en tant qu’être en harmonie avec le cosmos.
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REEDUCATION DE LA PERCEPTION CHEZ LES MALENTENDANTS
Deux sens sont les antennes de l’homme récepteur de sons : l’ouïe et le tact.
A) L’ouïe
La fonction de l’ouïe est assurée par l’oreille : les vibrations acoustiques sont recueillies par l’oreille externe (pavillon et conduit auditif) puis amplifiées dans l’oreille moyenne grâce à des leviers osseux, puis transformées en impulsions électrochimiques par les cellules de Corti de l’oreille interne, et enfin acheminées au cortex cérébral auditif par le nerf auditif.
Il est intéressant d’observer le schéma de l’oreille interne : chaque hauteur sonore est recueillie puis transformée par une cellule spécifique de l’organe de Corti. On peut comparer celui-ci à un clavier récepteur de sons où le prolongement de chaque touche serait une fibre du nerf auditif transportant une note. La répartition sur ce clavier est analogue à celle du piano.
En résumé, on observe une répartition géographique des sons dans l’oreille interne. Les points sonores sont projetés par les fibres nerveuses auditives au niveau du cortex cérébral où nous retrouvons un clavier de répartition de la conscience des sons, progressivement du grave à l’aigu.
Cette projection réceptive des sons se produit également le long de la silhouette.
B) Le tact
Quatre octaves de résonance note par note se partagent la réceptivité sonore de la silhouette humaine.
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Précisons la nature de la résonance ainsi que la sensation. La résonance est l’amplification naturelle, spontanée et instantanée d’une fréquence sonore en un lieu précis pour des raisons physiques (morphologie, densité, dimension nature du matériau). Le rôle de la résonance est de transformer une vibration inaudible en son.
On applique aussi le terme de résonance à l’amplification spontanée du son déjà existant. Ne confondons pas la résonance avec la réverbération ou l’écho.
La sensation cutanée consciente de la résonance est ordinairement très faible, voire nulle. En prêtant attention au phénomène, on peut sentir quelque quatre ou cinq résonances lors du premier balayage musical appelé « pluie des sons ». L’entraînement de la sensibilité à percevoir les résonances peut aboutir à la sensation consciente de toutes les résonances à des niveaux d’intensité très faibles.
Nous constatons une ressemblance entre la projection des sons dans l’oreille interne, sur le cerveau auditif, et le long de la silhouette. Il n’y a pas qu’une ressemblance. Il y a certainement une parenté. En effet; le foetus réagit aux sons avant que son oreille ne soit fonctionnelle. Or sa peau, issue de la même couche embryonnaire que l’oreille, est déjà réceptive. On peut dire que nous sommes une oreille avant d’en avoir une.
La faculté « auditive » de la peau est un moyen de développement de la perception pour les personnes sourdes ou malentendantes. En effet, la vibration sonore touche autant les sourds que les entendants. Alors que ceux-ci ne se servent pas consciemment de la transmission cutanée, ceux-là le peuvent, ce sens étant intact et capable de suppléance importante.
C) La rééducation de la perception
Le développement vers la subtilité sonore que parcourt la sensibilité est un peu long mais assez facile.
Le sens tactile est capable de discriminer les hauteurs, les intensités, les timbres et les durées sonores. Ces quatre éléments du son sont expérimentés par le tact au contact manuel de la source sonore par les mains et les bras, qui sont polyrésonants, puis à une distance de plus en plus importante. Vient un moment où la silhouette perçoit mieux que les mains.
Lorsqu’une personne sourde peut sentir la résonance d’un son faible à l’endroit exact de son corps, et sentir aussi les harmoniques, elle peut dire de quelle note il s’agit, la chanter, percevoir ses harmoniques, dire son intensité et sa durée. Cette personne peut alors discriminer les sons vocaliques, puis consonantiques et accéder à la perception cutanée de la parole. En outre, elle peut contrôler le son de sa voix par les sensations internes.
Dans la pratique, ce tableau est rarement complet, car les personnes malentendantes disposent d’autres moyens pour accéder à la parole : la lecture labiale et les prothèses. Néanmoins, elles apprécient le développement de la faculté de perception acoustique de la peau. Il arrive souvent que, cherchant au départ un perfectionnement de la parole, de la voix ou de la perception, l’élève considère pendant la rééducation que le chemin est plus intéressant que le but, que la connaissance de soi à travers les résonances senties prime l’aspect orthophonique.
Connaître le son par l’intérieur, se sentir renaître au fur et à mesure que la résonance devient sensible, augmenter le champ de la conscience de soi grâce à ce qui vous échappe, percevoir autrui par un canal acoustique dans sa dimension sonore affective, pouvoir chanter, deviennent plus important que le déchiffrage des mots.
Et nous, entendants, devenons en quelque sorte handicapés par rapport à ceux qui ont senti par tout leur corps, au moins, ce qu’est le son. Il n’est pour nous, bien souvent, qu’un outil linguistique alors que pour ceux qui en sont privés par l’oreille, il est une voie de connaissance de soi en deçà et au-delà de la parole, par la vibration et la résonance à l’état pur.
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CONCLUSION
L’homme présente deux fonctions vis-à-vis du son, de la voix et de la parole : la réceptivité et l’émission. Tous les plans de la personne sont impliqués dans l’homme récepteur comme dans l’homme émetteur : le corps physique, l’instinct, les sens, l’intelligence, l’affectivité, le sens social, la mémoire individuelle et collective, le sens mythique et l’esprit.
Si la première voie de réceptivité est le corps physique et cellulaire, il transforme et transmet à tous les autres plans humains les messages portés par la résonance.
Ce terme de « résonance » peut maintenant être entendu dans toutes ses dimensions : la simple résonance acoustique, la restitution personnalisée du son, la sympathie avec le parleur ou le chanteur, l’harmonie avec le cosmos.
Les rapports naturels des sons entre eux, manifestés par l’harmonie musicale, sont analogues aux rapports lumineux manifestés par l’harmonie des couleurs, aux rapports des formes manifestés par l’harmonie architecturale, aux rapports de la silhouette manifestés par l’harmonie corporelle, aux rapports temporels manifestés par les rythmes hebdomadaires et mensuels extérieurs à l’homme et les rythmes physiologiques binaires et ternaires, aux rapports cosmiques manifestés par les équilibres interplanétaires et interstellaires.
La parole philosophique « Connais-toi toi-même et tu connaîtras le monde » de Socrate fut vérifiée musicalement par le père de Galilée. Celui-ci attribua une note à chaque planète de notre système solaire en fonction des analogies entre les distances interplanétaires et les longueurs d’onde des sons harmoniques.
Il n’est pas étonnant que la renaissance par la connaissance du son, de la voix et de la parole au service de la conscience de soi fasse résonner en nous l’harmonie avec tous les plans de la création.
Revue Française de Yoga, n° 7, « La voix: une voie », janvier 1993, pp.183-195