Le Monde du Yoga

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Relation pédagogique dans l’enseignement du chant

Publié le 29 août 2005

La réalisation de l’objectif que se fixent l’élève et le professeur peut emprunter des chemins différents mais il semble que la démarche la plus enrichissante soit celle qui consiste à partir de l’élève. Cela suppose certaines qualités pédagogiques de l’enseignant, et notamment la capacité de se remettre en cause.

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DEUX DÉMARCHES, DEUX VISIONS DE LA RELATION

Je voudrais donc évoquer deux grandes démarches pédagogiques, que j’ai vécues personnellement, et qui se fixent toutes deux ce même objectif, mais en utilisant deux chemins opposés.

La première, la plus classique, tente de modeler cette forme à atteindre grâce à une écoute extérieure (celle du professeur, qui a priori en connaît les constituants). L’élève sera donc guidé dans son travail par l’oreille du professeur (théoriquement fiable, mais pas garantie !). Le professeur, pour ce faire, aura su, bien sûr préalablement, établir une relation de confiance avec son élève, mais celui-ci doit suivre ses indications aveuglément et ne pourra juger du bien-fondé de la démarche du professeur que quand le travail aura suffisamment avancé, et apporté des changements notables. Pendant tout ce temps où l’élève doit changer ses repères, il est totalement dépendant quant au choix du but et du chemin à atteindre, qui est fixé exclusivement par le professeur. Ce dernier tente, selon ses propres critères, d’établir réglage, contrôle et mise en place (mais toujours par son écoute extérieure de l’élève) d’un mécanisme qui lui « paraît » adéquat, d’une machine bien huilée, et si possible fiable.

Mais l’élève n’a, dans ce cas, aucune autonomie dans son travail individuel en l’absence du professeur, puisqu’au départ, il n’a plus ses propres repères, et qu’il doit, (petit à petit, car cela va prendre beaucoup de temps !) s’organiser, s’adapter de l’intérieur pour essayer de donner satisfaction aux demandes extérieures du professeur, en essayant de gérer, le plus souvent très inconsciemment, toutes les difficultés intérieures qu’il rencontre, et qui ne sont que trop rarement prises en compte. Ce chemin demande une grande maturité, qui n’est malheureusement pas le lot de la majorité des élèves, et de plus il est jalonné par de nombreux risques d’écueils et d’erreurs.

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Et puis il y a une autre démarche pédagogique, qui part de l’élève. Le premier travail du professeur est alors d’apprendre à percevoir l’élève tel qu’il est le jour de la rencontre, de comprendre son mode de fonctionnement, puis de l’aider à développer ce qu’il est, son être profond, de l’aider à découvrir et dénouer les différents blocages qui le freinent ou même lui interdisent un geste qu’il désire, qu’il ressent juste dans son corps, mais qu’il n’arrive pas à laisser advenir. Le professeur devra prendre le temps d’écouter la posture de l’élève, sa verticalité, son centre de gravité, sa respiration, son rythme intérieur, son état émotionnel. Puis, grâce à sa maîtrise personnelle de la matière enseignée et pratiquée, et grâce à ce respect du fonctionnement interne complexe de l’élève, quel qu’il soit, il essayera de lui permettre de dépasser les entraves des difficultés techniques rencontrées, pour qu’il puisse s’exprimer dans toute sa vérité et sa profondeur personnelle (vraie, reliée directement à lui-même), au travers de la forme imposée par l’art qu’il veut servir. Et alors, vivant de l’intérieur des formes d’expressions différentes de sa propre sensibilité, l’élève s’enrichira à leur contact, tout au long de son travail.

N’oublions jamais les raisons qui amènent quelqu’un chez un professeur. L’élève vient rarement parce qu’il a envie de « faire des exercices », ou de se construire une technique. Ce qui a motivé sa démarche, c’est l’espoir de pouvoir un jour vivre en lui-même les émotions qu’il a ressenti en écoutant un chanteur, etc. Et pour y arriver, il est parfois prêt à tous les sacrifices. En tant que professeur nous ne devons pas abuser de cette confiance qui nous est faite, et ne pas détourner cette demande de son vrai but.

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QUALITÉS PÉDAGOGIQUES NÉCESSAIRES POUR DEVENIR UN BON PROFESSEUR

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C’est le professeur, qui a la connaissance, qui doit s’adapter au niveau de compréhension de l’élève et à son fonctionnement, et pas l’inverse. D’ailleurs sa vérité n’est pas forcément celle de l’élève ! Parfois, les propositions de travail du professeur son justes, mais l’élève n’est pas prêt à suivre ce chemin aujourd’hui. Alors, quel mal y a-t-il à chercher et proposer un autre chemin? L’important n’est pas le chemin lui-même, mais le but à atteindre. Repensons à l’expression : « Tous les chemins mènent à Rome »

C’est là qu’une riche imagination sera un grand atout pour un professeur. De toutes façons, il faut toujours accepter de se remettre en cause. C’est une grande qualité pour un professeur, et un gage de progrès.

La souplesse imposée par cette remise en cause permanente au contact de l’autre (professeur ou élève) est la base d’une vraie force qui ne peut que s’amplifier. Une rigidité d’opinion n’est que le signe de la peur de découvrir que ce que l’on sait n’est pas totalement exact et qu’il risque donc d’être remis en question par d’autres. Nous craignons d’affaiblir notre image, mais en fait nous nous isolons ainsi sur une île de plus en plus déserte, moribonde, et désaffectée par ceux qui recherchent une vérité vivante. Je vous le redis : la vie avance, évolue, bouge, et si on reste sur ses acquis, on recule, on se sclérose.

Or, oser confronter nos convictions, voire nos certitudes, est un moyen fantastique de continuer à s’enrichir, de découvrir d’autres schémas ou des superpositions de plusieurs schémas connus, d’autres manières de dire, de vivre ce que nous ne connaissons que partiellement, et aussi de confirmer pour nous-mêmes nos affirmations, ce que nous croyons vrai : en un mot de progresser. Car cela ne nous empêche pas au contraire de fixer certaines de nos certitudes, mais de plus en plus en connaissance de cause, et avec de plus en plus de possibilités d’argumentations.

Ne nous privons pas de la recherche permanente de la vérité (elle est insondable). « Plus je progresse dans la connaissance, plus je me rends compte que je ne sais rien ». Alors, étudions et respectons la logique des choses (fonctionnements biologiques, physiologiques, physiques, mécaniques, psychologiques). Cet apprentissage est très enrichissant puisqu’il nous entraîne vers la découverte de la Vie (la terre et ses lois, l’homme et les relations sociales,… ). On comprend alors dans le concret de nos expériences que nous (humains) nous sommes un micro-cosmos, que nous pouvons tout rencontrer en nous (phylogenèse, ontogenèse, et bien sûr notre propre petite histoire). C’est une démarche absolument passionnante et sans fin.

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Revue Française de Yoga, n° 31, « Transmettre », janvier 2005, pp. 153-180

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