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Le Dieu alchimiste et la métamorphose du Chrétien

Publié le 12 avril 2005

Le lien originel entre Dieu et sa créature rend l’Homme capable de s’ouvrir à Dieu, qui le guide jusqu’à lui notamment par le feu, instrument de punition et de purification, par le baptême qui régénère constamment son énergie, et par l’amour infini et passionnel qu’il lui porte

« La Source est ici la Bible. Son langage symbolique n’est pas allégorique, il est une proposition concrète, vivante, parfois choquante, de l’amour de Dieu pour le monde. Dieu a su payer le prix de sa Création, Il entend que les hommes payent le leur pour entrer dans sa Lumière. Paradoxalement le prix à payer consiste à accepter la grâce. Cette énergie divine assiège l’homme pour le transfigurer et le Seigneur, trop souvent imaginé comme un redoutable Patron, est en réalité un Maître d’oeuvre subtil, le Maître du Grand-Œuvre : la glorification de la créature qu’il a faite à son image. »

SUBLIMATION ET METAMORPHOSE

« Le préfixe sub est ambivalent, il signifie aussi bien en dessous qu’au-dessus. Quant à limes il désigne la limite qui peut être inférieure ou supérieure. C’est aussi la clôture d’un domaine. En conjuguant ces deux références spatiales, on s’aperçoit que le haut touche le bas et que ce qui est profond permet d’atteindre ce qui est supérieur. La sublimation devient alors le débordement des limites et permet au tronc de pousser de nouvelles branches dans la mesure où les racines se fortifient. Il s’agit donc d’une expansion de la conscience qui a pour raison une recherche intérieure totale. Les abîmes intérieurs doivent être évoqués et visités pour que l’imagination créatrice puisse fructifier. »

« Si la larve du papillon possède une imago qui la pousse vers ses métamorphoses, l’homme, créé à l’image de Dieu, détient en raison même de cette relation le pouvoir de se dépasser infiniment. »

LE FEU DE DIEU

Le feu dévorant

« Depuis toujours les hommes ont été épouvantés par l’orage. La foudre est un feu du ciel qui choisit pour premières victimes les arbres les plus hauts qui semblent défier les espaces célestes. Mais ce feu devient sournois et ravageur quand il progresse dans les taillis comme une armée invincible. Le feu dévorant devient l’image de la puissance divine
« Tu diras à la forêt du Négeb : écoute la parole du Seigneur. Ainsi parle le Seigneur Dieu : voici que je vais allumer en toi un feu pour y allumer tout arbre vert et tout arbre sec. C’est une grande flambée qui ne s’éteindra pas et tous les visages seront brûlés depuis le Négeb jusqu’au Nord. Toute chair verra que c’est moi le Seigneur qui l’ai allumée et elle ne s’éteindra pas ». »

Dieu, maître du feu

« Quand le prophète parvient sur la montagne de l’Horeb, Dieu lui apparaît dans une flamme de feu qui ne dévore pas le buisson au milieu duquel elle jaillit. L’ardeur divine n’est pas essentiellement dévorante mais bien plutôt créatrice et salvatrice. Du sein de ce brasier miraculeux jaillira la parole divine pour révéler le nom divin : « Je suis celui qui est » et pour annoncer la libération du peuple d’Israël et l’aube du salut du monde. »

« Pour prouver l’existence et l’unicité du Seigneur d’Israël, le prophète Elie, face aux ministres du culte païen installés par la reine Jézabel, fait tomber le feu de Dieu sur l’autel qu’il a bâti pour Yahvé. Cet acte prophétique ressemble bien à un renouvellement de l’Alliance en un temps où les rois d’Israël, soucieux d’alliance avec les peuples païens voisins, ouvraient la porte à des cultes étrangers idolâtriques. »
Les prophètes ont entrevu le feu de Dieu

« Au dernier chapitre du livre d’Isaïe, le prophète voit les chars de Dieu déferler sur le monde
« Car voici que le Seigneur arrive dans le feu et ses chars sont comme l’ouragan pour assouvir sa colère par l’incendie et sa menace par des flammes de feu. Car, par le feu, le Seigneur se fait juge ». »

« Les yeux des hommes se complaisent dans les couleurs de l’arc-en-ciel mais ils ne peuvent fixer le soleil. Pour Ezéchiel, le prophète peut discerner, dans la partie basse de la gloire divine, le spectre de la splendeur inaccessible. « Seul Dieu est blanc » a dit un poète. »

Le grand’œuvre du feu divin

« Le feu de Dieu peut cautériser ces plaies qui n’ont que trop tendance à s’infecter, il peut aussi refondre la créature comme un sculpteur renvoie au four le tirage en bronze défectueux d’une de ses oeuvres pour la restaurer dans son intégrité. »

« Le feu que Jésus apporte est (…) l’ardeur de son message. La Nouvelle qui est dite Bonne n’en est pas moins incandescente. Nous trouvons ici, poussé à son paroxysme, le thème de la parole qui brûle le prophète parce qu’elle apporte la contradiction et suscite la division. Tel est le feu dans lequel Jésus sera baptisé, un feu dont l’ardeur culminera aux heures de la Passion. Passé par ce feu, le Christ ressuscitera pour juger alors le monde par le feu et dissocier de la bale combustible le grain digne de la récolte divine. L’ivraie sera jetée dans la fournaise de feu. Les sarments infructueux seront brûlés. Le feu éprouvera l’oeuvre de chacun et celui dont l’oeuvre subsistera sera « sauvé comme par le feu ». »

LA MATRICE DE LA RENAISSANCE

« (Selon la tradition juive) la création n’est plus perçue comme une émanation mais comme un acte par lequel Dieu se retire en partie de lui-même pour créer un espace possible pour autre chose que lui. Ainsi ‘En-soi, l’infini s’auto-limite et cet acte préalable à toute apparition d’une créature est appelé zimzum. »

« Quand la Justice de Dieu, attribut essentiel, emplissait toute chose, il n’y avait pas de place pour la miséricorde. Le zimzum, en dégageant une place pour autre chose que Dieu, instaure la possibilité du mal et de la mort, mais aussi la puissance nécessaire pour y faire face. »

Les entrailles de la miséricorde

« Le Dieu de la Bible que l’on dit si terrible se présente, en fait, comme un Dieu pathétique. Il ne plane pas dans les nuages de l’indifférence, il ne trône pas sur l’olympe de sa grandeur sans souci des hommes aux prises avec la fragilité de leur nature. Le Seigneur est coléreux, jaloux, vindicatif, mais il se repent, il revient vers ses créatures qu’il aime. Il s’afflige de leur peine, vole à leur secours, reprend leur éducation à zéro et sans cesse recommence l’oeuvre incertaine qu’il a pourtant voulue. Le Dieu biblique semble manquer de cette cohérence divine qui fait la gloire des divinités païennes et des rois qui reflètent leur splendeur. Dieu contradictoire, travaillé par sa Justice, remué par sa miséricorde, Dieu dont on fait trop souvent un grand mâle guerrier alors qu’il réagit souvent comme une femme qui porte toujours dans son coeur l’être qu’elle a porté dans son sein. Y a-t-il là un simple anthropomorphisme, une manière de figurer Dieu sur un modèle humain ? Je crois plutôt que l’incohérence apparente d’un Dieu fidèle mais jaloux, juste mais miséricordieux, tout-puissant mais capable de s’incarner en un homme fragile, manifeste, non une incohérence, mais la transcendance d’un amour. Ce Créateur matriciel sait que les passions sont, pour les hommes, la manifestation effrayante et splendide de leur pouvoir d’aimer, et de se donner. C’est là ce qui fait d’eux des images vivantes de la nature divine. »

LA RENAISSANCE BAPTISMALE

« Pour la tradition chrétienne, le baptême produit donc une grâce permanente, il est comme une source d’énergie qui demeure dans le coeur du croyant. »

« C’est ainsi que se révèle la face du Dieu de miséricorde. Ce Dieu porte en lui-même le creux de tous les possibles, matrice de toutes les gestations, nid de toutes les croissances, refuge contre toutes les peurs. Dieu ne cache pas son visage, seul le rideau des larmes amères peut dérober la splendeur de sa tendresse. »

Revue Française de Yoga, N°5, « L’espace du coeur. », janvier 1992, pp.147-162.

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