Les intégrateurs, base physiologique de l’image du corps
Publié le 09 juillet 2004
Outre le fait qu’ils permettent d’appréhender le schéma corporel à partir d’une base physiologique, les intégrateurs sont susceptibles de donner lieu à de nombreux développements intéressants. Le concept d’intégrateur est en effet à même d’intéresser la neurologie, mais également, dans certaines circonstances, la psychologie, la pédagogie…
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PHYSIOLOGIE DE L’OREILLE: UNE NOUVELLE APPROCHE
Cette façon d’aborder l’oreille, s’inspirant de la progression phylogénétique, m’a conduit naturellement à réviser les concepts concernant la physiologie auditive. Effectivement, de nombreuses données inconnues ne manquent pas de poser des questions, et les échafaudages théoriques qui soutiennent notre savoir sur l’appareil auditif restent fragiles, même et surtout pour le spécialiste qui ose se confronter avec les théories dominantes depuis le début du siècle. Nous procéderons par paliers : tout d’abord, chercher à savoir ce qui se passe au sein de l’oreille moyenne lors de la transmission des sons; ensuite s’interroger sur les potentialités d’analyse de l’oreille interne. Si nous y parvenons, ces deux problèmes réglés aboutiront à des solutions simples et compréhensibles.
L’oreille externe, quant à elle, ne présente pas de difficultés. Elle collecte les sons et les conduit jusqu’à la membrane tympanique après avoir joué le rôle d’adaptateur d’impédance, ainsj que l’a démontré von Bekesy.
C’est à partir de la membrane tympanique que les choses se compliquent. En effet, la conception actuelle veut que la chaîne ossiculajre – le marteau, l’enclume et l’étrier – forme un pont de transmission. Rien de plus compréhensible à première vue: pourquoi le son n’emprunterait-il pas ce trait d’union osseux. qui semble avoir été placé là pour accomplir une telle fonction? Plus que simple, cette vision est en réalité simpliste et ne prend pas en compte la structure réelle de l’oreille moyenne. Plusieurs détails militent contre cette manière de concevoir la transmission des sons vers le labyrinthe. Tout d’abord, les différentes articulations impliquées n’ont pas la même origine embryologique; retenons seulement que les deux premiers osselets précités émanent du premier arc branchial alors que l’étrier est généré par le deuxième. Ensuite, mécaniquement parlant, il est impossible que le son récupéré au niveau du tympan par le manche du marteau puisse circuler sans qu’apparaissent des distorsions. Par ailleurs, toujours selon la théorie classique, la membrane tympanique aurait la possibilité de se mettre en vibration – ce qui est vrai -, en entraînant de manière solidaire le marteau qui répercuterait sur le restant de la chaîne ossiculaire les vibrations qu’elle aurait reçues. Il est difficile de concevoir une telle conversion du son en mouvement mécanique, et ce d’autant plus que ce transfert doit ensuite se convertir à nouveau en tourbillons liquidiens dans l’oreille interne! Cette simple énumération de transformations insolites devrait nous faire réfléchir sur les différents points de vue actuellement en cours, mettant en présence d’innombrables montages pratiques et théoriques.
Mais alors si la chaîne ossiculaire ne laisse pas passer le son collecté sur la membrane tympanique, à quoi sert-elle et, par ailleurs, comment le son parvient-il jusqu’au labyrinthe ? Le role de la chaîne ossiculaire est double. D’une part, le contrôle de la tension tympanique s’effectue par le jeu du muscle du marteau; d’autre part, elle assure la régulation des pressions des liquides labyrinthiques par l’intermédiaire du muscle de l’étrier. La dépendance qui rend solidaires les blocs « marteau-enclume » et « étrier », situés en arc-boutant, permet de doser l’ensemb1e des réactions engendrées par la chaîne ossiculaire : jonction de la qualité et de la quantité des sons. Trop d’intensité. par exemple, fait relâcher la membrane tympanique grâce a une poussée excessive de l’étrier qui chasse le bloc marteau-enclume en dehors, vers l’extérieur. Nous retiendrons donc que la chaîne des osselets est un appareil dont le but n’est pas de transmettre le son à l’oreille interne mais de permettre à celle-ci percevoir le son de la boîte crânienne, comme c’était le cas avant la sortie des eaux, avant la naissance. Cela étant admis, il est aisé de concevoir que la membrane tympanique se comporte comme une plaque vibrante réglable selon la tension que lui octroie le muscle du marteau. Fortement insérée dans le sillon tympanique, elle opère à l’instar d’un diapason faisant vibrer : l’os environnant. Par voie de conséquence, le labyrinthe osseux se prend également à vibrer.
Les problèmes soulevés par les distorsions sont ainsi résolus. Par ailleurs, les résultats obtenus au cours des éducations auditives corroborent parfaitement cette manière de concevoir les phénomènes de transmission des sons.
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L’ECOUTE HUMAINE REHABILITEE
L’aire temporale, telle qu’elle apparaît maintenant, présente une caractéristique importante qui mérite d’être mise en exergue, d’autant plus qu’elle est la source de nombreux handicaps touchant les apprentissages. Elle devrait intéresser au premier chef les enseignants dont le souci est de faire passer leurs messages pédagogiques. Les différentes zones 41, 21 et 22, qui s’étagent sur la face externe de l’aire temporale, sont connectées par des tractus qui ne laissent passer les informations qu’à la condition expresse que celles-ci soient dotées d’assez d’énergie. Démontré en 1870 par Fritz et Hetzig, ce phénomène révèle que la totalité du cortex diffuse avec aisance toute excitation électrique, sauf dans les plages précitées si elles ne dépassent pas un certain seuil d’intensité. Les conséquences de cette observation sont remarquables, car elles impliquent que, pour atteindre la zone 22, il y ait une somme d’énergie importante ; or cette zone se trouve être celle de la mémoire nominative. En clair, il est impératif que l’information qui doit aboutir à cet endroit, et qui est dégagée notamment par la voix, soit véhiculée au moyen d’une énergie suffisante. Il est vrai que, depuis bien longtemps, l’on a oublié que «lire» signifie, étymologiquement parlant, « faire la moisson par les oreilles ». Ces dernières années, on a pu déplorer les méfaits des novations portant sur la « lecture silencieuse ». Cette dernière ne s’adresse en fait qu’à celui qui sait parfaitement lire; de la même manière, seul le chef d’orchestre imprégné de musique est capable de déchiffrer ses partitions en silence, car il perçoit tous les sons des instruments qu’il peut diriger.
Ce processus de lecture à haute voix, que nous utilisons à grande échelle, a été édicté par Aristote dans sa Rhétorique et par Cicéron dans son De Oratore. Facilitant la lecture, il suscite aussi une reviviscence de la mémoire ainsi qu’un phénomène d’énergétisation. Bien entendu, il est conseillé de le pratiquer après que l’oreille a été ouverte au moyen des techniques de bascu1es électroniques auxquelles nous avons fait maintes fois allusion. On devine l’impact que peuvent avoir de telles conceptions lorsqu’elles sont appliquées dans certains domaines comme celui de la gérontologie d’une part, et celui de l’apprentissage des langues vivantes d’autre part.
En effet, le vieillissement se solde souvent par une activité réduite qui fait que le sujet, généralement retraité, se confine dans un univers sonore moins vibrant. Il s’isole et, dès lors, il se réfugie dans un silence pernicieux. Les zones cérébrales temporales ne sont plus mises à contribution et leur activité se dégrade rapidement. La mémoire s’altère. Le champ conscient semble se réduire tandis que l’intérêt pour toute chose s’amenuise et que l’énergie fait de plus en plus défaut. Lorsque l’oreille interne est à nouveau réactivée, le désir d’écouter reprend ses droits, entraînant de ce fait la relance de la mémoire, de la concentration et, par conséquent, de la vigilance.
L’apprentissage des langues vivantes bénéficie également des mêmes procédés, d’autant que le retentissement sur le corps se fait sentir en fonction de la bande passante utilisée, qui dépend de l’oreille ethnique. Chaque idiome se caractérise par une ou plusieurs bandes de fréquences préférentielles qui non seulement favorisent l’intonation et l’accent, mais encore la gestuelle appropriée.
Ainsi, tandis que l’Anglais qui exploite essentiellement la gerbe aiguë parlera du bout des lèvres, l’Espagnol laissera sortir sa voix du bas du corps. L’Italien, centré sur les fréquences en rapport avec le plexus brachial, sera conduit malgré lui à mobiliser ses bras au cours de son discours.
Les chemins du corps
pp. 83-109