Les secrets du coeur selon l’Islam
Publié le 22 mars 2005
Le but qu’Allâh fixe à chaque homme est de s’élever jusqu’à lui. Les pratiques de l’Islam ne peuvent permettre cela que si elles sont alliées à une action sur le cœur, vraie racine de chacun. Celui-ci doit se purifier de ses propres discordances par la foi et la culture des vertus, pour avoir la possibilité d’atteindre Dieu.
« Dans L’Ecriture révélée, le Coran, Parole de Dieu descendue sur le Prophète Muhammad, Dieu dit : « Voici ton Seigneur (Rabb), Lui, l’Irrésistible-Très-Irradiant d’Amour, et voici la Descente (tanzil) du Seigneur des êtres de l’Univers. L’Esprit fidèle (rûh amin) descendit par Lui sur ton Coeur (qalb) pour que tu te trouves être d’entre ceux qui avertissent de se consacrer (au service divin) grâce à une langue arabe explicite » (Coran 26/191 à 195) (1).
Voici, posée en quelques versets fondamentaux, l’existence du Coeur, capable de recevoir l’Esprit de Dieu et par là même, la Descente divine sur ce Coeur, qu’il s’agisse du coeur du Prophète de l’Islam à qui ces versets s’appliquent plus particulièrement, ou du coeur de chaque fidèle. Ces mêmes versets stipulent que la langue arabe sacrée sera le véhicule de cette Descente divine et le moyen que les Avertisseurs – terme pris dans un sens très large – utiliseront pour attirer les fidèles au service divin. L’éveil spirituel des êtres humains concernés par le Message muhammadien est rendu possible par l’exercice sacré de la langue arabe explicite révélée. C’est donc la Parole divine que le Coeur utilisera pour actualiser l’Esprit insufflé dans l’Humain par Dieu. »
« Malheur donc à ceux dont les Coeurs sont endurcis au Dhikr de Dieu (Dhikr Allâh). Ceux-là sont dans une déviance évidente. Dieu a fait descendre progressivement la plus belle Annonciation en une Ecriture impliquant analogies et répétitions. Les peaux de ceux qui redoutent leur Seigneur en frémissent. Puis leurs peaux et leurs Coeurs s’assouplissent jusqu’au Dhikr de Dieu. (…) Par le Dhikr de Dieu les Coeurs ne deviennent-ils pas sereins? »
« C’est le coeur, centre vital de l’être humain qui, par sa qualité intrinsèque, aspirera l’Esprit véhiculé par l’air subtil et élémentaire, pour nourrir l’âme et tous ses organes externes et internes. C’est donc le coeur qui infléchit, par sa qualité et sa prédisposition, le mode de saisie de l’air véhicule de l’Esprit et qui contient celui-ci d’une certaine manière. Il sera alors, en physiologie spirituelle et traditionnelle, l’organe, non seulement régulateur de la circulation du sang et de l’air que celui-ci contient, mais aussi l’organe de la saisie intuitive de l’Esprit. »
« La qualité d’orientation du coeur détermine ainsi, par voie de conséquence, la qualité correspondante de la respiration ou assimilation de l’air ou souffle, véhicule de l’Esprit divin. Dans les techniques d’invocation, la respiration joue un rôle régulateur associé à la prise de conscience centrale ressentie comme localisée au coeur. »
« Le Qaib ou coeur est une dénomination générale pour décrire toutes les dispositions internes et externes de l’être humain. »
« Le Coeur se situe dans la poitrine (çadr) comme le blanc dans l’oeil, ou le noyau dans l’amande. La Poitrine est le lieu des insufflations positives ou négatives et des infirmités, comme le ver dans l’amande. C’est en elle que se développent les tendances périphériques de l’âme : passion, désirs, irascibilité, besoins les plus divers. »
« Le Coeur qui se situe à l’intérieur de la Poitrine est le lieu de la lumière de la Foi (imân), de l’humilité, de la crainte et de l’espoir, de l’amour, de la satisfaction et de la certitude. »
« Le Coeur est donc le principe ou racine alors que la Poitrine est la branche ou dérivation qui s’élabore à partir du Coeur.
Le Coeur du porteur de Foi est pacifié (salîm) alors que celui des hypocrites et de ceux qui enfouissent la Foi (12) est malade, enténébré, moribond. »
« Une des conditions fondamentales pour que le croyant se pare des nobles caractères divins et qu’il réalise l’ampleur et l’exaltation de ce Coeur parfait, réceptacle du Vrai, est de transformer ses traits de caractères défectueux en se parant des Attributs divins et en se défaisant successivement de toutes les conditions limitatives existentielles, et cela en vertu des moyens de grâce que Dieu institue, tels que la prière, le jeûne, la pratique des vertus, le recueillement et la récitation rituelle de la Parole divine. »
« Le Coran, en de nombreux endroits, qualifie le Coeur, la poitrine (çadr), l’âme de l’homme selon toutes leurs caractéristiques principales, positives et négatives. (…) Le Coeur, organe central, coordonne chez l’homme l’action de l’esprit et de l’âme sur son corps. Il reste l’endroit où les secrets des prédispositions se trouvent déposés selon la part que Dieu lui alloue de toute éternité.
Si le Coeur subtil est faible, malade, versatile, à cause de ses tendances discordantes et désordonnées, l’âme qui en est tributaire sera décrite avec des caractéristiques analogues à celles du Coeur. »
« Les Maîtres décrivent l’évolution du Coeur et, parallèlement, celle de l’âme qui est purifiée et sanctifiée sous l’effet de la Foi, des pratiques parfaites des moyens de grâce et du comportement intérieur et extérieur conforme à la Sagesse et à l’Ordre de Dieu. L’endroit de l’être qui perçoit ces transformations est la poitrine subtile, lieu d’assimilation du souffle de vie (nafas) par la respiration physique et subtile assimilée à l’âme (naIs). Le Coeur alors pétri et poli par la grâce, la culture des vertus, l’ascèse équilibrée et la pratique du souvenir permanent de Dieu, élève ses aspirations vers les états supérieurs en s’intériorisant et en se développant à travers les degrés des mondes spirituels et angéliques, débarrassé à jamais de ses tendances négatives et apesantissantes. Ce coeur, dont la rouille qui le ternissait, selon l’expression coranique, est alors retirée, est capable d’être le Miroir de Dieu, et permet aux Théophanies de se présenter sans cesse. »
« Ibn ‘Atâ’ Allâh (…) définit le Dhikr de cette façon:
« Le Dhikr consiste à se libérer de la négligence et de l’oubli (à l’égard de Dieu) au moyen de la présence permanente du coeur avec le Vrai. (…)
La pratique du Dhikr doit être préparée extérieurement et intérieurement.
Extérieurement, elle exige que l’être humain s’acquitte, avec sérieux et prise de conscience, des moyens de grâce tels que la pureté rituelle, la prière, le jeûne, le détachement des biens de ce monde.
Intérieurement, elle requiert une intention droite et sincère, un engagement total envers Dieu et Sa Révélation, l’imitation du Prophète, un coeur entièrement disponible et réceptif à la grâce sous une forme ou sous une autre, l’amour de l’agrément de Dieu et l’aversion pour les transgressions. (…)
L’être humain s’éteint ainsi à son âme. Il ne ressent plus aucune manifestation, ni de ses membres, ni de ce qui émane de lui, ni de ce qui se passe en lui. Il demeure
entièrement absent à toutes ces modifications, et celles-ci, également, disparaissent de lui quand il s’oriente vers son Seigneur initialement et en y revenant ultérieurement. S’il lui arrive de s’éteindre ainsi totalement à son âme, il en obtient désordre et trouble. La perfection consiste à ce qu’il s’éteigne à son âme et à sa propre extinction, car l’extinction à l’extinction (al-fanâ’ ‘an al-fanâ’) est l’ultime extinction… »
Revue Française de Yoga, N°5, « L’espace du coeur », janvier 1992, pp.65-90.