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Les Sikhs et le Sikhisme

par Denis Matringe | Publié le 07 juin 2005

L’histoire des Sikhs commence par une différenciation d’ordre religieux avec Nanâk, à la fin du XVème siècle, qui prêche un idéal de travail, de tolérance et de service. Puis, devenus de bons guerriers et agriculteurs pour qui les castes avaient peu d’importance, leurs traditions se sont ancrées en Inde jusqu’à aujourd’hui.

« Les Sikhs ne forment que 1,9 % de la population indienne. 80 % d’entre eux vivent au Panjab, où ils sont légèrement plus nombreux que les Hindous. Ils ont largement contribué à en faire le grenier de l’Inde et son Etat le plus prospère : avec plus de cinquante millions de tonnes de céréales par an, le Panjab assure plus du quart de la production indienne. Les événements des années 1980-1992 ont pu donner des Sikhs l’image de fanatiques. Pour leur immense majorité, il n’en est rien. Ils sont intégrés, souvent à un très haut niveau, dans tous les secteurs de la vie indienne: agriculture, industrie, transports, arts, éducation, armée, politique, etc. Leur religion est empreinte d’un idéal d’égalité, de tolérance et de service (…) ».

I. L’HISTOIRE DES SIKHS

L’époque des guru

« L’histoire des Sikhs les rattache aux disciples de Nânak, prédicateur mystique panjabi (1469-1539). Né dans la caste commerçante des khatrîs, Nânak avait entrepris de longues pérégrinations à la suite d’une illumination, puis avait créé le village de Kartarpur au bord de la Ravi. Là, il rassembla autour de lui un groupe de « disciples » (sikhs) qui formaient le Nânak Panth (ceux qui suivent la « voie de Nânak »).

Il ne créa pas à proprement parler une religion nouvelle ; mais il élabora l’expression la plus claire et la plus achevée de la doctrine des Sants, mystiques errants de la « tradition du Dieu sans attributs » (nirguna sampradâya) qui prêchaient la dévotion au Dieu unique et la méditation sur son nom, et n’avaient pour rituel que le chant collectif d’hymnes de louange. »

« Les Sivaliks étaient une place forte du culte de la Déesse à l’épée (Devî), qui influença alors fortement la culture sikhe, déjà marquée par l’idéologie martiale des Jâts. Ce changement est particulièrement évident dans les écrits attribués au dixième et dernier gurû, Gobind (1666-1708). Dieu y est régulièrement appelé Sarab-loh (« Tout-acier ») et adoré sous la forme de l’épée, et plusieurs poèmes font allusion aux exploits de la Déesse. »

De la mort de Gobind Singh à la conquête britannique

« A la faveur des troubles qui bouleversaient l’Inde du Nord, et en dépit des conflits entre chefs de misai et de certains revers face aux successeurs d’Ahmad Shâh, les Sikhs se rendirent graduellement maîtres de tout le Panjab, gouvernant les territoires conquis selon le modèle moghol. Des Etats princiers virent le jour, qui survécurent jusqu’à leur fusion dans le Panjab indien en 1956, et en 1799 Ranjît Singh, s’étant assuré le contrôle des misai, fonda un royaume sikh qui dura jusqu’à la conquête britannique de 1849. Il mit fin aux assemblées militaro-politiques du Khâlsâ, et le dogme du Gurû Panth tomba en désuétude au profit de l’autorité religieuse exclusive du Gurû Granth. C’est cette situation qui a prévalu jusqu’à nos jours. »

« Ranjît Singh, surnommé le « Lion du Panjab », fut un souverain habile. Il organisa une armée puissante, employant à cette fin des officiers européens, français notamment, tels Jean-Baptiste Ventura et Jean-François Allard qui avaient servi dans l’armée napoléonienne. Il créa aussi une administration stable, sur un modèle en partie inspiré de l’empire moghol (affermage de territoires aux principaux chefs en échange d’une aide militaire), avec le persan comme langue officielle. »

Les Sikhs sous le British Raj

« (…) la loyauté des Sikhs, lors de la révolte des Cipayes en 1857, leur valut un recrutement préférentiel dans l’armée, où les Britanniques leur demandèrent d’observer les symboles et le code du Khâlsâ. D’autre part, leurs qualités d’agriculteurs firent d’eux, à partir de 1880, les principaux bénéficiaires des Canal Colonies : ainsi, des Sikhs formèrent bientôt la paysannerie la plus prospère d’Asie. »

« Cette identité, les Sikhs eurent l’occasion de l’affirmer dans leur confrontation croissante avec les Britanniques au lendemain de la Première Guerre mondiale et du massacre par l’armée de participants à un rassemblement non violent à Amritsar en 1919. L’affrontement culmina lorsque les Sikhs reprirent aux mahant, officiants à demi hindouisés et corrompus, soutenus par les Britanniques, la gestion de leurs temples (gurdvârâ, « porte du Gurû ») au Panjab. La victoire fut obtenue en 1925 grâce à une nouvelle organisation, l’Akâlî Dal (armée de l’Eternel). L’Akâlî Dal a remporté jusqu’à nos jours les élections qui lui permettent de contrôler le Shiromanî Gurdvârâ Prabandhak Kametî (SGPK, « Comité Central d’Administration des Gurdvârâ »), chargé de la gestion des revenus considérables de tous les gurdvârâ du Panjab. »

II. LA RELIGION DES SIKHS

Textes sacrés et littérature

« Le premier livre sacré des Sikhs, l’Adi Granth, inclut des hymnes écrits par les cinq premiers gurû et par le neuvième, ainsi que des compositions de bhagat (« dévots aimants ») tels que Nâmdev ou Kabîr, et un ensemble de couplets du soufi Shaikh Farîd.

L’édition standard de l’Adi Granth compte mille quatre cent trente pages. L’introduction commence par le Mûla mantru (« formule fondamentale ») de la foi sikhe, suivi du Japu jî (« Sainte prière »), long poème dans lequel Nânak a résumé son enseignement. »

« Parallèlement, du xviie siècle au milieu du XIXe, les Sikhs contribuèrent de façon importante à la poésie narrative traditionnelle en panjabi, dont les principaux genres sont la vâr et le kissâ (arabopersan qissa). Les vâr sont à l’origine des poèmes héroïques qui chantent les hauts faits de chefs tribaux. Bhâî Gurdâs consacra pour sa part plusieurs vâr à des épisodes de la vie des premiers gurû sikhs, et la Candi kî vâr de Gurû Gobind Singh, incluse dans le Dasam Grant/i, chante les exploits de la Déesse symbolisée par l’épée. Au xviiie siècle, nombre de vâr eurent pour sujet des conflits entre Sikhs et gouverneurs moghols du Panjab. Les kissâ, quant à eux, sont des lais qui racontent l’histoire d’amours contraliées par les barrières sociales et tribales. Une autre forme abondamment pratiquée à l’époque était le bârâm-mâmh (poème des « douze mois »). »

Pratiques et cérémonies religieuses

« Outre la méditation sur le Nom, qui est l’acte pieux par excellence, la conduite des Sikhs est réglée par un code de conduite, lointain héritier des Rahit-nâmâ et finalement mis au point par le SGPK en 1954. Un Sikh est censé prier trois fois par jour: tôt le matin, le soir et avant de se coucher. Les textes de ces prières sont tirés principalement du Gurû Granth Sâhib et du Dasam Granth. Un Sikh doit également se rendre aussi souvent que possible au gurdvârâ et y participer aux prières collectives. Enfin, il se doit d’être au service (sevâ) de la communauté. Le Gurû Grant/i Sahîb est au cour des quatre principales cérémonies familiales sikhes: le choix d’un nom, l’initiation dans le Khâlsâ, le mariage et la crémation. »

Castes et sectes

« Le Sikhisme, en théorie, ignore les distinctions de caste. Néanmoins, des considérations de prestige et de statut liées à la caste survivent dans le Panth. A la ville, le statut des Khatrîs est un peu supérieur à celui des Arorâs (commerçants). A la campagne, les Jâts jouissent de plus de prestige que les Kambohs (agriculteurs). Après ces castes viennent des artisans, tels les Tarkhâns (charpentiers), souvent nommés Râmgarhîâs, suivis par les Lohârs (forgerons), les Nâîs (barbiers) et les Cimbâs (blanchisseurs). Au bas de l’échelle sociale se trouvent les hors-castes : Cûhrâs (balayeurs, appelés aussi Mazhabîs) et Camârs (corroyeurs, connus également sous le nom de Râmdâsîâs). »

Revue Française de Yoga, N°19, « Religions en Inde aujourd’hui. », février 1999, pp.107-125.

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