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L’étirement de la colonne vertébrale : approche de la verticalité, de la rectitude, de la force et de la détermination

par Patrick Tomatis | Publié le 12 août 2005

L’extraordinaire potentiel que la verticalité a conféré à l’être humain n’est pas actualisé dans sa totalité. L’accueil du Divin en soi constitue l’étape suprême de cette actualisation ; elle passe par le redressement physique qu’accompagne l’élan psychique vers l’Absolu.

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LA CONSCIENCE DE LA VERTICALITÉ: LE « PALMIER » ET SES VARIANTES

Humanité et verticalité

L’acquisition de la position verticale a conféré à l’espèce humaine des capacités tout-à-fait exceptionnelles, telles le développement de son cerveau, la libération de la main pour l’acte de préhension, l’élaboration du langage et d’autres encore. Mais une observation plus fine du spécimen humain montre qu’il est loin d’avoir développé toutes les qualités inhérentes à sa véritable condition humaine.

La verticalité est le symbole de la jonction entre le « ciel » et la « terre », entre le monde d’en-haut et les choses d’ici-bas. L’homme verticalisé, ayant acquis sa pleine humanité, devient ainsi un canal limpide par lequel le plan divin s’écoule. Réalisant cette expérience intime par le contact établi avec sa nature fondamentale, il a cessé de s’identifier à sa personnalité extérieure, et s’est ainsi extirpé de sa « tunique animale ». L’indispensable renoncement, permettant d’accéder à cette expérience de l’Essentiel, est très bien exprimé dans le sûtra suivant de l’enseignement : « Celui qui cherche Dieu ne le trouvera point. Mais celui qui s’oublie lui-même jusqu’à en perdre la face, Dieu le trouvera sûrement ».

Le changement sera également perçu sur le plan psychique par une émancipation de toutes les sortes de comportements qui sont l’unique expression d’une nature égocentrique. Une ouverture à de nouvelles attitudes, fruits d’une pleine humilité comme la compassion, la stabilité, la douceur, la fermeté, la détermination ou le discernement, en résulteront.

La posture du Palmier: tâdâsana

Debout, pieds réunis, le corps, entièrement relaxé, subit l’attraction due à la force de pesanteur. S’il n’offre aucune opposition à celle-ci, le corps se tasse de plus en plus sur lui-même, jusqu’à avoir besoin d’être soutenu par un tuteur. L’adhérence au sol serait alors si forte que l’on se trouverait bien incapable de faire le moindre pas.

Un ensemble d’observations sur la position corporelle tendraient toutes à exprimer une tendance à la fermeture : le poids du corps se répartit équitablement sur l’ensemble du pied ; la voûte interne, généralement la plus prononcée, s’affaisse ; au niveau des chevilles, les malléoles internes s’abaissent et se rapprochent l’une de l’autre. Les genoux tournent vers l’intérieur ; le bassin s’antéverse et les aines se creusent, tandis que la colonne vertébrale se tasse et ses courbes s’accentuent. Le ventre est bombé et entraîne la région lombaire vers l’avant. La cage thoracique est effondrée ; les épaules et le cou plongent en avant, accentuant de la sorte l’arrondi du haut du dos. Les omoplates s’écartent et s’élévent en laissant saillir leur pointe inférieure. Les clavicules se situent dans un plan frontal, et sont ascendantes à partir de leur extrémité sternale, créant ainsi le creux sus-claviculaire appelé communément la « salière ». Les bras sont en rotation interne, les paumes de mains se tournant vers l’arrière. La nuque s’est raccourcie, laissant le menton partir vers l’avant et vers le haut. On cherchera, durant quelques instants, à prendre conscience de cette position, s’imprégnant de l’écrasement provoqué par la force de gravitation, et de la pesanteur psychique qui l’accompagne.

Puis, restant toujours au mieux relaxé, on exercera une intense poussée dans le sol, enfonçant avec les pieds le support sur lequel on repose afin d’essayer de le faire descendre de plusieurs centimètres.

Les jambes, déjà tendues, ne peuvent, par conséquent, être la cause de cette poussée qui est en réalité le résultat du redressement de la colonne vertébrale ; tout le corps s’organise alors dans le seul but de mieux transmettre cette action.

Une nouvelle observation conduit à constater les diverses transformations survenues. Le poids du corps se tranfère sur l’avant du pied, le talon ayant tendance à vouloir se soulever. L’arche interne du pied accentue sa courbure, transferrant ainsi le poids sur le bord externe ; la cheville se redresse. La jambe toute entière se met en légère rotation externe, les genoux s’ouvrant un peu. Le bassin se redresse dans le sens de la rétroversion ; les aines s’ouvrent. Les courbures de la colonne vertébrale s’atténuent étonnamment, redressement qui donne lieu à une sensation de grandissement de plusieurs centimètres. Le ventre est en retrait. La cage thoracique s’élève et s’écarte. Les épaules reculent et s’abaissent tandis que les omoplates descendent et se resserrent. Les bras amorcent une rotation externe ; les paumes de main s’orientent vers les cuisses et déjà légèrement vers l’avant. La nuque s’est étirée et érigée dans un mouvement de recul, le menton se rapprochant de la gorge (Fig. lb et 2b).

Durant le maintien de la poussée, le corps est totalement érigé et allégé de cette pesanteur initialement ressentie. Sur le plan psychique, la même expérience se répercute: allégé de ce poids énorme que l’on semble porter constamment sur les épaules et sur la nuque, qui courbe l’échine et tasse, l’esprit se libère afin de vivre une pleine aspiration vers les choses d’en haut. L’esprit et le corps se verticalisent et ne sont plus que l’expression de ce fantastique élan à laisser le Divin vivre en soi. Si, dans la posture, nous sommes à même d’exprimer pleinement cette aspiration ou cet élan, nous nous apercevons qu’il n’est plus nécessaire d’exercer volontairement la poussée dans le sol, et par là de produire un effort musculaire : la poussée se produit alors comme d’elle-même, unique résultat de l’attitude installée.

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Patrick Tomatis, Revue Française de Yoga, n° 12, « L’étirement postural », juillet 1995, pp. 117-153

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