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L’unification des trois aspects de la nature de l’homme nécessaire à la concentration

par Salim Michaël | Publié le 25 septembre 2003

Le chercheur doit réussir à contrôler son attention, s’il veut réaliser l’unité entre son esprit, son sentiment et son corps. L’obstacle principal à cette réalisation est la peur de perdre son individualité. Mais une fois vaincue cette peur, ce qui lui semblait être le néant se révèle être le tout.

Le chercheur doit réussir à contrôler son attention, s’il veut réaliser l’unité entre son esprit, son sentiment et son corps. L’obstacle principal à cette réalisation est la peur de perdre son individualité. Mais une fois vaincue cette peur, ce qui lui semblait être le néant se révèle être le tout.

EXTRAITS :

« Quelle que soit la voie spirituelle suivie par un aspirant, celle-ci doit forcément inclure une pratique stricte de la méditation, accompagnée d’une concentration intense, surtout au début de sa quête, s’il espère parvenir un jour à découvrir en lui l’aspect supérieur de sa double nature.

Sans ce travail de concentration, il est impossible au chercheur de se décoller suffisamment de lui-même pour pouvoir se défaire de son individualité ordinaire telle qu’il la connaît habituellement: un éloignement de lui-même qui, seul, peut permettre à l’Aspect Céleste de sa double nature de commencer à se révéler à sa vision intérieure.

Or, si l’aspirant souhaite que sa méditation aboutisse à un résultat (même partiel), il lui faut d’abord s’efforcer de mieux se connaître, c’est-à-dire qu’en plus des tendances et habitudes indésirables de sa nature, qui lui barrent la route, il doit également commencer à connaître le dysfonctionnement en son être d’une trinité qui, à cause du conditionnement qu’il a subi depuis son enfance, ne travaille jamais à l’unisson. Cette trinité en lui est désunie d’ordinaire, à son insu, l’empêchant ainsi d’être « entier » dans ce qu’il cherche à accomplir, qu’il s’agisse de ses pratiques spirituelles ou même de ses activités dans la vie extérieure.

Ce sont précisément son esprit, son sentiment et son corps qui, en raison d’une longue habitude, n’arrivent jamais à être suffisamment unis et en accord pour aider le chercheur dans ce qu’il décide d’effectuer, et cela, en dépit du fait que celui-ci pense être sérieux dans sa démarche spirituelle. Cette question primordiale n’est malheureusement jamais abordée ni prise en considération dans les différentes voies spirituelles classiques, qu’il s’agisse de Yoga, de Bouddhisme Théravada, de Bouddhisme Zen ou de Bouddhisme Tibétain.

La danse indienne (surtout le Bharata Natyam), constitue l’une des tentatives les plus intéressantes pour chercher à unir l’esprit, le sentiment et le corps de l’homme: l’esprit par la concentration et la mémorisation des nombreux mouvements physiques à exécuter, le sentiment par les attitudes symboliques à exprimer et le corps par tout ce qui est exigé de lui.
[…]

Il importe pour l’aspirant de prendre en considération une autre trinité qui existe en lui et qu’il lui faut étudier avec soin afin d’en comprendre l’effet sur sa vie et sur ses démarches spirituelles. Il s’agit de son niveau d’être, de son niveau de conscience et de son niveau d’intelligence qui, tous trois, jouent un rôle prépondérant pour déterminer la rapidité ou la lenteur avec laquelle il va avancer dans ce mystérieux voyage, un voyage dans des territoires énigmatiques en son être qui lui restaient inconnus jusqu’alors.

Si son niveau d’être est lourd, appesanti par des habitudes et des penchants défavorables (qu’il s’agisse de paresse, de malveillance, de fantasmes sexuels, etc.) cristallisés en lui de longue date, le chercheur va inévitablement éprouver beaucoup de difficultés dans sa méditation et ses autres exercices de concentration. Il sera alors mis face à la nécessité impérative de lutter contre toute tendance indésirable qu’il pourra découvrir en lui et qu’il aura reconnue comme constituant un obstacle sur la route vers sa Cité Céleste.

Si c’est son niveau de conscience qui n’est pas assez élevé, alors, chaque fois que le chercheur tentera de monter en lui-même, il se trouvera, à cause de la loi inexorable de la pesanteur, aspiré vers le bas sans en comprendre la raison. Et, paradoxalement, il ne pourra élever son niveau de conscience que par la pratique répétée de la concentration -qui doit finir par devenir un travail constant, même durant ses occupations quotidiennes dans la vie extérieure.

En revanche, si c’est son intelligence qui n’est pas d’un niveau suffisamment haut, il s’avérera incapable d’identifier les différentes sortes de problèmes qu’il rencontrera en lui-même et de reconnaître le genre d’efforts qu’il devra fournir pour élever ses niveaux de conscience et d’être. Et il ne lui sera possible d’élever son niveau d’intelligence que par une confrontation juste avec le monde extérieur.

En ce qui concerne les différentes tendances en l’homme, liées à son niveau d’être et devenues, par leurs constantes répétitions, des parties si intégrantes de sa nature qu’il se révèle même, la plupart du temps, incapable de les mettre en question afin de pouvoir reconnaître de quelle manière elles l’appesantissent, il ne lui faut jamais oublier que les énergies dans l’Univers ainsi qu’en lui-même cherchent toujours le chemin présentant la moindre résistance, qui est la descente!
[…]

II existe enfin en l’aspirant une dernière trinité, que celui-ci doit considérer sérieusement et dont il lui faut comprendre le fonctionnement, s’il désire être aidé dans la difficile quête de son Origine Divine. Entre l’aspect supérieur et l’aspect inférieur de sa double nature, se trouve en lui un troisième élément: son attention, qui constitue l’outil le plus précieux que l’être humain puisse posséder, et qui, malheureusement, est, la plupart du temps, gaspillée à alimenter des pensées futiles ou des bavardages intérieurs sans intérêt (ou même négatifs) qui ne lui faciliteront nullement la tâche capitale qu’il a entreprise.

Dans son ignorance, l’homme ne réalise généralement pas que, quelle que soit la chose qui attire et retient son attention, c’est inévitablement là qu’il va se trouver. Or, dans son aveuglement, il ne peut voir qu’il a mis cette chose entre le Divin et lui-même !

Tous ces aspects de lui-même, qui ne sont jamais évoqués dans les enseignements de Yoga, de Zen ou d’autres voies spirituelles, doivent être sérieusement étudiés par le chercheur.

La lutte avec son attention surtout va lui poser un problème qui persistera peut-être tout au long de sa vie, même lorsqu’il sera parvenu, durant certains moments de sa pratique, à reconnaître en lui l’aspect supérieur de sa double nature. Il lui faudra voir sans répit (et sans se fatiguer de l’effort qu’il devra constamment fournir) que, lorsque son attention lui est dérobée, c’est parce que son intérêt s’est subrepticement affaibli et a changé de direction !

Il est nécessaire pour l’aspirant de réaliser, alors qu’il lutte avec son attention rebelle, que les deux aspects de sa nature ne peuvent coexister. Quand l’Aspect Supérieur de son être prédomine, son individualité ordinaire s’en trouve forcément éclipsée, et, lorsque l’aspect inférieur de sa nature prévaut, c’est alors l’Aspect Supérieur de lui-même qui est éclipsé. Si le chercheur est réellement sincère dans sa quête, il ne peut éviter de comprendre que laisser la place en lui à cet Aspect Supérieur de sa nature nécessite inévitablement un renoncement continuel à lui même (à son individualité telle qu’il la connaît d’ordinaire) qui, au commencement, est dur à accepter. Au départ, il va indubitablement rencontrer beaucoup d’oppositions en lui, provenant de son être inférieur qui verra avec appréhension sa propre disparition.

Comme la plupart des aspirants ne réalisent apparemment pas ce que signifie une véritable concentration, il leur faut effectuer, au moins pendant quelques mois, des exercices de concentration très compliqués qui les obligent à rester présent, ce qui (à la suite d’un long conditionnement) est tout à fait contraire à ce qu’ils ont coutume de faire! Et c’est précisément cette contrainte de devoir demeurer présent au cours de leur méditation et de ces exercices difficiles à exécuter qui prend les débutants par surprise et finit par les rebuter, en dépit de l’enthousiasme qu’ils ont pu manifester au début de leur sadhana. Il faut comprendre que, tout le temps au cours duquel l’homme a grandi, il n’a fait, à son insu, que laisser ses pensées et ses émotions vagabonder passivement là où bon leur semblait, tout comme l’eau d’une rivière qui a déjà tracé son lit ne peut faire autrement que couler vers le bas, dans la direction qui lui offre la moindre résistance.

[…] ”

Revue Française de Yoga, n°9, « Dhârana », janvier 1994, pp. 69-89.

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