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Postures de flexion : réflexions anatomiques et pratiques

Publié le 10 août 2005

La caractéristique première des muscles est leur forme changeante, qui les fait se contracter de quatre manières différentes. Les postures de flexion doivent tenir compte de ces spécificités, qui se démultiplient selon les particularités individuelles.

(…)

I. GÉNÉRALITÉS SUR LA PHYSIOLOGIE MUSCULAIRE

Les muscles de la vie de relation sont des masses charnues faites d’un tissu particulier qui a la propriété de se contracter et de changer de forme volontairement. Ce sont ceux qui nous intéressent ici au premier chef : on nomme ainsi les structures musculaires qui s’insèrent sur les extrémités des os (en général près des articulations) par des tendons faits de fibres conjonctives assez résistantes. Ce sont eux qui permettent nos relations avec le monde extérieur, d’où leur nom.

Lors d’un mouvement, la contraction musculaire signifie raccourcissement du fuseau musculaire ; une insertion restant fixe, l’autre insertion mobilise le segment sur lequel elle est arrimée.

Un muscle est formé de fibres : ce sont en fait des cellules nommées ainsi à cause de leur forme allongée. Les fibres qui composent les muscles moteurs sont dites striées ; elles permettent une contraction puissante, rapide, assez courte et pouvant être sous l’influence de la volonté consciente. Rappelons que la contraction peut aussi être réflexe, donc instinctive, quand une réponse extrêmement rapide est nécessaire, en cas de danger, par exemple.

Les muscles sont entourés d’un tissu conjonctif assez lâche, donc souple, servant à la fois de protection et de surface de glissement : ce sont les fascias. Nous verrons plus loin que ces structures peuvent aussi jouer un rôle dans les mouvements et leur degré d’aisance.

Citons rapidement quelques propriétés des fibres musculaires :

1°/ L’élasticité : après une traction qui l’allonge, le muscle reprend sa longueur initiale ; cette élasticité est limitée par la résistance du tendon d’insertion fait, par nécessité de solidité, d’un tissu plus résistant. Ceci explique des accidents de désinsertions partielles ou totales en cas d’étirements trop brusques ou de contractions trop violentes (par exemple, traumatismes du tendon d’Achille dans des footings ou du tendon du biceps brachial en haltérophilie).

2°/ L’extensibilité explique l’élasticité.

3°/ L’excitabilité par des facteurs chimiques ou tactiles.

4°/ La tonicité sur laquelle nous insisterons : il s’agit d’un état de tension constant, même au repos, sans production de mouvement ; on pourrait dire un état d’éveil, de vigilance de base permettant l’exécution d’un mouvement aussi rapidement qu’il est nécessaire. Cette tension est indispensable pour maintenir la stabilité : sans elle nous nous affaisserions (dans l’évanouissement c’est ce qui se produit, il y a hypotonicité).

(…)

Ces notions vont nous permettre d’insister sur la définition des différents types de contraction musculaire :

– la contraction isotonique : c’est ce qui se passe couramment pour engendrer un mouvement : un muscle s’attache par des tendons à ses deux extrémités sur des segments de membre ; si une insertion reste fixe, la contraction, donc le raccourcissement du muscle, fera bouger l’autre extrémité.

– La contraction isométrique : il s’agit là de la contraction d’une masse musculaire sans changement de longueur, donc sans raccourcissement, les deux insertions étant maintenues fixes. Il n’y aura pas de mouvement, mais augmentation du tonus.

– La contraction concentrique : il s’agit d’une contraction, donc du raccourcissement d’un muscle allant dans le sens du mouvement à exécuter : on appelle ce muscle agoniste. Pour que le mouvement soit effectif et efficace, il faut que le muscle dont la contraction s’opposerait au mouvement souhaité s’étire : on l’appelle antagoniste. Quand le tonus du muscle agoniste augmente, celui de l’antagoniste diminue.

– Il est des cas (fréquents en yoga) où l’on doit maintenir une position statique dans l’espace : dans ce cas, on doit aussi augmenter le tonus des antagonistes et pour eux on parlera de contraction excentrique (c’est-à-dire qui ne va pas dans le sens du mouvement à exécuter).

(…)

PRATIQUE

(…) Nous allons proposer un schéma de séance autour d’une posture de flexion selon les principes que nous a inculqués Sri TKV Desikachar de Madras.

Résumons ces principes :

Chaque séance sera construite dans un but particulier, avec une intention, et ses modalités dépendront de l’observation faite (de soi ou de ceux à qui l’on enseigne). On tentera, ce faisant, de passer d’une situation donnée à une autre situation que l’on espère plus confortable. On choisira donc une ou deux postures accomplies, disons exigeantes, que l’on préparera très progressivement selon une gradation qui s’adapte au sujet ; puis, cette ou ces postures accomplies, on ramènera le corps à une situation plus habituelle, le laissant apte à vaquer aux occupations requises : ce qui veut dire que la pratique sera différente selon qu’elle a lieu le matin ou le soir, selon l’état physique et psychique au départ, selon l’effet que l’on souhaite obtenir.

Dans ce processus, on n’oubliera pas les compensations (terme que je préfère à contre-poses) à des postures ayant pu parfois provoquer un effet désagréable, et les repos nécessaires entre deux postures pour récupérer toutes ses potentialités respiratoires et circulatoires avant d’aller de l’avant dans son projet.

On n’hésitera pas non plus bien sûr à adapter les postures à ce que notre corps permet, pour l’instant, tout en essayant de comprendre où sont les gênes pour arriver à les supprimer dans un avenir proche ou … lointain.

Enfin, je n’insisterai jamais assez sur ce qui fait la spécificité de nos pratiques : une respiration ample, complète, subtile, consciente (prânâyâma) pendant les postures et après les postures. Le geste dans sa durée dépend de la durée du souffle et non l’inverse. Cette symbiose geste-souffle induit très vite un état de grande harmonie, même avec des séquences extrêmement simples, car elle permet de comprendre ce qu’est l’effort dans le lâcher-prise, effort non volontariste qui tente une percée vers le mieux mais sans crispation et sans esprit de compétition avec soi-même.

(…)

Revue Française de Yoga, n° 10, « Flexions et enroulements », juillet 1994, pp. 127-155

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