Le Monde du Yoga

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Prâna, l’énergie de vie

Publié le 02 août 2005

Souffle divin et créateur, identifié à la vie et à la conscience, prâna prend cinq aspects pour animer le corps humain et lui assurer son équilibre. Sa maîtrise _ le prânâyâma _constitue l’une des voies de l’accroissement de l’énergie vitale.

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Aborder le prâna, c’est toucher aux rivages sacrés de l’océan dans lequel nous baignons: l’existence. C’est s’approcher, par fulgurantes intuitions et lentes progressions, du mystère de notre incarnation et de toute l’aventure même du vivant, puisque, selon l’Inde, là où il y a de la vie, là se trouve le prâna.

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LE SOUFFLE, CRÉATEUR À L’OEUVRE

Dans la Genèse, l’Esprit de Dieu qui couve sur les eaux primitives est-il nommé la « ruah », c’est-à-dire vent, souffle, ou encore parole. La même racine se retrouve dans le sens d’esprit « er-nih » chez les Musulmans. L’équivalence du souffle et de l’esprit est également quasi générale dans nombre d’autres traditions, – qu’il se nomme « pneuma » chez les Grecs, « spiritus » chez les Latins, ou « âtman » chez les Hindous.

Dans le Veda, c’est un cygne qui couve l’oeuf cosmique primordial et son nom « hamsa » symbolise aussi le souffle. Ainsi, dans certaines techniques de respiration yoguique, on inspire longuement en accentuant le frottement de la syllabe « ham » sur la glotte et l’on expire de même sur la syllabe « sa ».

Les Purâna, chroniques des temps lointains, disent que la création est née d’une inspiration de Brahmâ, le dieu créateur et que la fin du monde (pralaya) se clôturera par une expiration divine.

Au moment ou Yahvé crée l’homme, c’est à nouveau par la force de son souffle, sa « ruah », qu’il insuffle vie dans la narine de sa créature. Et l’homme, jusque-là inerte, s’anime soudain d’une âme vivante, « nephech », terme que, selon J. Guillet, on retrouve presque identique « nefès » – chez les musulmans Chi’ites d’Anatolie pour désigner un chant d’invocation. C’est donc à travers le souffle jailli de la bouche du Créateur que le monde est créé puis entretenu. « Tu envoies ton souffle, dit le Psaume 104, ils sont créés et tu renouvelles la face de la terre ».

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LES CINQ SOUFFLES DU CORPS HUMAIN

Notre corps est ainsi « tissé » de cinq fils, ou cinq souffles, qui gouvernent l’ensemble de nos fonctions vitales et se disent en sanskrit: prâna, apâna, samâna, udâna et vyâna.

Le premier souffle, et le plus noble, se nomme « prâna », et c’est son nom qui, de ce fait, devient la dénomination générique de tous les souffles, de toutes les énergies. Prâna, c’est la respiration première, la Grande Respiration (pra – indiquant la priorité et l’intensité, AN signifiant respirer), prâna est la force de vie à l’état pur. Il a son siège dans la région thoracique et commande la respiration à travers laquelle nous absorbons la force vitale de l’univers, tout en éliminant l’air vicié et les toxines qui nuisent au corps.

Le deuxième souffle se nomme « apâna » (apa – indiquant la mise à l’écart et aussi l’infériorité, AN signifiant respirer). Il se situe dans la partie inférieure de l’abdomen, où il concourt à rejeter hors du corps les déchets – urine, excréments – tout en assurant également l’éjaculation de la semence.

Le troisième souffle se nomme « samâna » (sama – indiquant l’égalité, la régularité, AN signifiant respirer). Il oeuvre dans la partie supérieure de l’abdomen, alimentant le feu gastrique, contrôlant la digestion, assurant les fonctions d’assimilation et entretenant ainsi le fonctionnement équilibré de l’ensemble du corps.

Le quatrième souffle se nomme « udâna » (ud – indiquant l’élévation, â le mouvement vers, AN signifiant respirer). Il est situé dans la gorge (pharynx et larynx) et commande l’absorption de l’air, de la nourriture, ainsi que les cordes vocales. C’est le souffle qui fait acommuniquer le bas et le haut, la part physique et la part spirituelle de l’être.

Le cinquième souffle, enfin, se nomme « vyâna » (vi – indiquant la diffusion intensive, â – le mouvement vers, AN signifiant respirer). Il se meut dans le corps tout entier, où il distribue l’énergie provenant de la nourriture et de l’air, par l’intermédiaire des nerfs, artères et veines. C’est lui aussi qui défend le corps contre les maladies et le maintient en forme.

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DE L’ÉNERGIE À LA CONSCIENCE

La Kaushîtaki Upanishad, déjà citée, précise ceci: « Le souffle c’est la conscience, et la conscience, c’est le souffle. Car tous deux résident ensemble dans ce corps et le quittent ensemble ».

Pour 1’Upanishad, prâna est donc principe d’énergie et de conscience et l’on sait que pour l’Inde ces deux termes sont indissolublement liés, comme l’endroit et l’envers, « Prâna, disait Swami Shivânanda, est la somme totale de toutes les énergies contenues dans l’univers ». Énergie cosmique donc, mais aussi physique, sexuelle, mentale, intellectuelle, spirituelle… tout ce qui vibre est prâna. C’est l’énergie qui crée, protège et détruit pour renouveler. Prâna est ainsi le souffle vital de tous les êtres dans l’univers. Leur naissance est incarnation du souffle cosmique dans un individu, leur existence manifestation multiforme du souffle vital, leur mort retour du souffle individuel au souffle cosmique. Voilà pourquoi le yogi voit dans prâna le « Purusha » – la personne cosmique – à l’origine de la création et pourquoi ‘a-travers sa pratique « Il prend refuge en prâna ».

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CONNAÎTRE ET APPRIVOISER LE SOUFFLE

Le yoga est, pour une part essentielle, science et art du prâna – le « prânâyâma ». On traduit généralement ce terme par « contrôle du souffle », ce qui est juste mais insuffisant. Prâna, c’est bien sûr la respiration, ce que le yoga désigne sans aucune nuance péjorative, sous le terme de « souffle grossier » (sthûla vâyu) : mais c’est aussi et surtout le « souffle subtil » (sûkshma vâyu), l’énergie vitale proprement dite. Quant au mot « ayâma », il indique l’extension, l’allongement, la retenue, l’arrêt.

Le prânâyâma est donc, à proprement parler, manière d’allonger et de retenir le souffle afin d’étendre et d’accroître l’énergie vitale. C’est une véritable « quête initiatique » du souffle, de tous les souffles vitaux « vâyu sâdhanâ » – selon la superbe expression d’un des traités de hatha yoga les plus connus, la Shiva Samhitâ. C’est enfin la porte d’entrée par laquelle le yogi pénètre dans le corps subtil (sûkshma sharîra) qui, ultimement, le met en présence de l’âtman, du Soi.

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Art du souffle, le prânâyâma apporte à l’organisme un abondant surcroît d’oxygène, y provoquant de subtiles transformations qui ont leurs répercussions sur toutes les fonctions somatiques. Par ailleurs, il favorise au plus haut point le recentrage de l’attention et la concentration de l’esprit. Régulant pensées, désirs et actions, il procure à celui qui s’y adonne avec prudence et patience un remarquable équilibre, une profonde paix et une grande force de volonté.

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Revue Française de Yoga, n°28, « La Voie du souffle », août 2003, pp 11-17

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