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Un auteur et son oeuvre : Alexandra David-Neel (1868-1969)

par Micheline le Guay | Publié le 19 septembre 2003

Des initiations lamaïques au bouddhisme tibétain, les recherches d’Alexandra David-Neel vont bien plus loin que la simple étude culturelle ou anthropologique, il s’agit d’une véritable immersion dans le monde oriental. L’auteur en retire une connaissance large et compréhensive de l’hindouisme et du bouddhisme.

« […]
Alexandra DAVID nait à Saint-Mandé le 4 octobre 1868.

Ses parents, peu unis, sont de famille bourgeoise et chrétienne.

De sa mère, qui la voue à une éducation stricte et étroite, elle fait valoir une origine mongole qui explique sa fascination des grands espaces et de la vie nomade.

Elle reste plus proche de son père, dont elle partage les préoccupations politiques et le talent journalistique. Elle devient comme lui, protestante, et s’engage dans une voie de militante où, socialisme, féminisme, maçonnisme, seront les étapes d’une démarche contestataire.

Fascinée par la vie des Saints, elle méprise le confort […]

Passionnée de même par les exploits des héros de Jules VERNE, elle projette  » Comme eux et mieux encore, si possible, je voyagerai… ».

Sa toute petite enfance est déjà l’occasion d’une première fugue, expérience qu’elle renouvellera plusieurs fois au cours de son adolescence.

A vingt ans, des études d’infirmière, à Bruxelles, et d’anglais, à Londres, lui permettent de justifier d’autres départs et de nouer des amitiés décisives.

Elle adhère alors à la Société Théosophique qui, par son organisation d’accueil, lui ouvrira partout des portes. Elle entreprend parallèlement des études en langues et philosophies orientales. Mais c’est seule qu’elle poursuivra plus tard ses recherches sur l’Hindouisme et le Bouddhisme.

Elle entreprend une carrière lyrique qu’elle réussit remarquablement. Une tournée à Tunis est l’occasion d’une rencontre avec Philippe NEEL, qu’elle épousera en 1904. Le mariage est un échec qui se transforme en une vivante amitié.

La certitude d’une vocation propre dans le domaine orientaliste la conduit à de très nombreux voyages en Orient, qui sont le champ d’expériences humaines et spirituelles innombrables.
[…]

Cette quête multiforme, cette curiosité insatiable la mettent en relation aussi bien avec d’éminentes personnalités politiques de son époque, qu’avec de grands maîtres spirituels ou des chefs religieux prestigieux puisqu’elle sera reçue par le DALAI-LAMA et le PANCHEN-LAMA.
[…]

Les traits du caractère d’Alexandra sont si divers, si riches, si extrêmes et si vigoureux, qu’il est impossible de l’esquisser en quelques lignes. Tout au long de ses récits, se révèle un personnage fascinant et tout à fait hors du commun. Courageuse, intrépide sans folle imprudence, voyageuse prévoyante et organisée, elle est douée d’improvisation et de sens pratique. Elle fait face avec un sang-froid inaltérable aux situations les plus dramatiques. Elle a beaucoup d’à-propos et une aptitude toute particulière à trouver le stratagème qui déjouera l’adversaire. Avec une vigueur toute masculine elle fait « le coup de poing » ou applique le fouet d’une main leste, mais sait être espiègle à la manière d’une petite fille. Elle manifeste souvent beaucoup d’humour. Assez misanthrope, elle aime beaucoup les animaux.

Mais à celle ou celui qui partage avec elle le quotidien, il faut beau-coup d’oubli de soi … […]

REPORTAGE

Des textes essentiels seront en effet une étude d’histoire et d’ethnologie d’une nouveauté et d’une qualité exceptionnelle. A partager la vie, le langage, les habitudes, les aspirations des gens qu’elle rencontre dans ces régions si peu connues, elle côtoie des personnages extraordinaires, inattendus, rapporte des photographies, des anecdotes invraisemblables, piquantes ou dramatiques.

D’ailleurs, au Tibet, elle « est » chez elle. Sa Sainteté TENZIN GYATSO, le XIVe DALAI-LAMA, dira à Arnaud DESJARDINS: « Nous avons lu ses livres, nous y reconnaissons notre Tibet à nous… ».

YONGDEN

Très vite, Alexandra y rencontre un jeune garçon de quatorze ans, très pauvre, qu’elle prend à son service et qu’elle forme. APHUR, plus tard le lama YONGDEN, TULKOU [un tulkou est une réincarnation d’un maître spirituel] reconnu, devient alors le compagnon inséparable de toutes les aventures et démarches d’Alexandra.

C’est au Tibet, avec YONGDEN, dans cette atmosphère de merveilleux, que la recherche orientaliste et l’aventure journalistique se réalisent pour Alexandra en cette vie spirituelle dont elle portait l’aspiration depuis sa plus jeune enfance.
[…]

LA RECHERCHE INTERIEURE

Dès son enfance, Alexandra souligne son impression qu’il existe « une âme des choses ». […]

Dès l’âge de vingt ans, sur un quai solitaire, elle découvre cette nouvelle dimension:

« Une paix ineffable s’était répandue en moi… Cette solitude que j’imaginais absolue, répandait en moi des vagues de félicité… Les transports les plus exaltés des mystiques peuvent-ils égaler cet état de calme infini dans lequel toute agitation physique ou mentale a disparu et où la vie coule sans heurts, sans se fragmenter en sensations ou en idées, sans autre goût que celui de l’existence? »

Par la Société Théosophique, elle découvre les doctrines orientales toujours vivantes. Avec des amis, dont Mira ALFASSA , elle participe à des « méditations philosophiques ».

LE BOUDDHISME

Dès son arrivée à Ceylan, sa première étape en Orient, Alexandra étudie le Bouddhisme du THERAVADA [bouddhisme des anciens] . Accueillie à la MAHA-B0DHI SAMAJ (émanation de la Société Théosophique), elle y est intéressée par une approche moderne du Bouddhisme. Celle-ci éclaire les idées socialistes qu’elle défendait d’autre part depuis l’adolescence. Elle tente d’apporter en Europe ce « Modernisme Bouddhiste ».

Elle militera aussi en ce sens au cours de ses voyages en Inde alors qu’elle poursuit une étude sur I’ADVAITA-VEDANTA, dans laquelle elle pense remonter aux sources du bouddhisme. Elle reçoit l’enseignement de plusieurs maîtres indiens et poursuit auprès d’eux la mission d’information qui lui a été confiée; mais en même temps prêche chaque fois qu’elle en a l’occasion le DHARMA de BOUDDHA.

Au SIKKIM elle découvre la doctrine du MAHAYANA, dans la branche Tibétaine: le LAMAISME.

Là, « à côté de la religion populaire… il existait… une très haute philosophie, une profonde métaphysique… ».
[…]

Sa rencontre décisive est celle de GOMCHEN [ermite qui se consacre tout particulièrement à la méditation] de LACHEN qui, pendant plus d’un an, l’initiera aux « Enseignements Oraux Secrets » et fera d’elle son porte-parole.

Elle poursuit alors inlassablement en Asie l’approfondissement de cette voie,
« C’est sous ces auspices que YONGDEN et moi, nous nous établîmes 3 trois années à KUM BUM [grand monastère lamaïque] et y étudièrent la PRAJNAPARAMITA [texte essentiel du bouddhisme Mahayana, attribué au philosophe indien Nagarjuna] .  »

Alexandra est consciente de la valeur inestimable du message qui lui est transmis. Elle n’en portera témoignage qu’à la fin de sa vie, certaine qu’elle rapporte ainsi une sagesse dont l’occident doit être désormais le dépositaire.
[…]

[Elle est l’auteur de nombreux récits de voyages, essais, romans, traductions et commentaires. Citons notamment:
-Initiations lamaïques, 1930.
-La connaissance transcendante, 1958.
-Les enseignements secrets du bouddhisme tibétain, 1961.]”

Les carnets du yoga, n°15, mars 1980, pp. 3-21.

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