Un auteur et son oeuvre : le Docteur Thérèse Brosse (1902-1991)
Publié le 22 septembre 2003
Avec la rigueur scientifique qui caractérise sa profession, le Docteur Thérèse Brosse a analysé les manifestations psychosomatiques de la pratique du yoga, en lien avec ses études du rôle du mental dans les maladies fonctionnelles. Ces analyses ont contribué au rapprochement des civilisations occidentale et orientale, ainsi qu’à la satisfaction d’une recherche toute intérieure.
« […] Ancien chef de clinique cardiologique à la Faculté de médecine de Paris, membre de la Société française de cardiologie, le Docteur Thérèse Brosse prit sa retraite dans le Midi […]
Elle fut sans doute, il y a cinquante années, une des rares femmes accédant, dans le domaine de la recherche, à des fonctions importantes.
C’est à propos des affections psychosomatiques de l’appareil cardiovasculaire que le Dr. Th. Brosse fut amenée à étudier l’homme dans sa totalité: constitution et dynamismes fonctionnels. C’est ainsi que ses travaux expérimentaux permirent, entre autre, de faire disparaître les arythmies engendrées par l’émotion et l’angoisse uniquement par une attitude mentale, un acte d’attention correctement exécuté.
En 1935, le Dr. Th. Brosse était chef de clinique dans le service de cardiologie du réputé Professeur Laubry, â l’hôpital Broussais lorsqu’une mission en Inde lui fut confiée par le Ministère français de l’Éducation Nationale, afin de poursuivre sur les yogis ses recherches de psycho-physiologie. […]
La guerre de 1939 avait, comme pour beaucoup, interrompu ses travaux. Elle participa activement à la Résistance et fut incarcérée par la Gestapo. Il est possible, et nous le pensons quant à nous, que cette terrible épreuve ait contribué à sa profonde réalisation intérieure.
Après la guerre, en 1946, elle se vit confier une mission aux États-Unis dans le cadre de la Santé Publique, et en 1947 une autre mission pédagogique pour l’UNESCO et la Fondation Carnegie, en vue de participer au Séminaire chargé d’élaborer des méthodes éducatives propres à promouvoir la compréhension internationale sur le problème humain.
Elle entra ensuite au Secrétariat de l’UNESCO, chargée des problèmes éducatifs de l’Enfance victime de la guerre. […]
Il faut rappeler que le Dr. Th. Brosse s’était fait connaître dès 1939 par ses idées nouvelles sur l’éducation. Elle avait rédigé, en collaboration avec un psychologue de « l’Éducation nouvelle », un ouvrage exposant les implications pédagogiques d’une véritable biologie de l’esprit. « L’Education de Demain » tel était le titre de l’ouvrage préfacé par le Professeur Laubry. Il fut à l’origine de nombreuses conférences du Dr. Th. Brosse dans différents groupements scientifiques, et l’objet de publications dans les revues médicales ou psychiatriques de l’époque.
En 1949 elle quitte l’UNESCO pour collaborer avec les chercheurs du « Harvard Desearch Center in creative Altruism ».
Elle accepte alors une nouvelle mission en Inde, chargée d’étudier le yoga en tant que méthode d’altruisation.
De 1951 à 1954, elle conçoit des méthodes instrumentales d’approche psychosomatiques lui permettant de différencier qualitativement les différents états de conscience. D’ailleurs l’ouvrage, très important, dont nous reparlerons, publié en 1963 par l’École française d’Extrême-Orient portera ce titre: « Etudes instrumentales des Techniques du Yoga ». C’est au retour d’une troisième mission en Inde, effectuée pour l’École française d’Extrême-Orient, que le Dr. Th. Brosse écrivit ce livre.
Mais au-delà de la publication scientifique des enregistrements faits par l’auteur sur des yogis en Inde, ces divers séjours lui faisaient découvrir une science de l’homme. Et elle va, comme elle le dit elle-même, pendant de longues années, approfondir cette recherche et rapprocher la Tradition hindoue, particulièrement dans le Shakta Vedanta, des découvertes modernes de la microphysique.
A cette époque, et durant quelques années, elle profite de ses activités comme cardiologue dans les établissements de la station thermale de Royat, pour multiplier ses observations.
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ETUDES INSTRUMENTALES DES TECHNIQUES DU YOGA
Expérimentation psychosomatique
Comme l’auteur l’explique dans l’avant-propos, elle a voulu résumer dans cet ouvrage les investigations que, par intervalles échelonnés, sur une période de vingt cinq années, elle a poursuivies avec différentes techniques instrumentales dans le domaine du yoga et des manifestations psychosomatiques, qui en sont la contre-partie occidentale.
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LA CONSCIENCE-ENERGIE
Structure de l’homme et de l’univers
Concevant et expérimentant dans l’homme une structure trinitaire en place de l’ancienne conception dualiste, le Dr. Th. Brosse savait qu’elle bouleversait les principes sur lesquels repose l’actuelle Science de l’homme. Or, comme elle l’écrit dans l’avant-propos de « Conscience-Énergie »: « établir un statut biologique élargi de l’être humain, tel qu’il se révèle dans sa vérité intégrale, représente une élimination systématique des tabous et des idées reçues ».
La publication de « L’Éducation de demain », ouvrage que nous avons déjà cité, qui traitait de physio-psycho-pédagogie et qui intégrait les deux niveaux agréés (le psychique et physiologique) dans un niveau supérieur (la conscience individuelle) avait déjà connu certains déboires. Il est vrai qu’un spécialiste avait dit que cette publication était de cinquante ans en avance sur son époque.
Depuis, le Dr. Th. Brosse en constante recherche personnelle était convaincue que « c’était la Conscience, non pas individuelle, mais universelle qui, en chaque homme illusoirement individualisée, représentait, fonctionnellement, ce niveau supérieur ».
[…]
QUI EST LE DOCTEUR THERESE BROSSE?
« Je ne saurais accepter de prendre la plume à la première personne dans le cadre d’une rubrique « Un auteur et son oeuvre » si ce titre devait être pris dans son sens littéral. Mais nous savons tous qu’il n’en est rien: nous devons nous souvenir qu’il n’y a qu’un auteur, le « Suprême », et qu’il n’y a qu’une oeuvre, celle de la Divine Shakti, sous d’innombrables apparences qui ne sont que le jeu dispersé de la stratégie évolutive. Donner un nom, c’est désigner un « mannequin » qui, pourvu d’un état civil et d’autres attributs illusoires, ne devrait avoir d’autre fonction que d’exprimer, aussi fidèlement que possible, l’entité à laquelle il donne asile, l’étincelle Divine qui, au cours des vicissitudes d’une incarnation, s’évertue à retrouver la Flamme et à la devenir alors même qu’une partie de la démarche n’en est pas encore consciente.
[…]
Des circonstances imprévues permirent des études médicales qui avaient été refusées a priori. […]
Nous tournons la page, quittons la Faculté, entrons à la Société Théosophique, proposons avec le même enthousiasme un nouveau « surrender »: Pour servir les Maîtres, je veux bien tout quitter et balayer plutôt le parquet de la Société Théosophique. Le Secrétaire Général, professeur agrégé, psychologue, créateur d’Écoles nouvelles en Angleterre, qui aurait failli, lui aussi, être pasteur s’il n’avait pas lu « La Doctrine secrète », nous répondit « C’est en utilisant vos possibilités scientifiques que vous servirez le mieux les Maîtres et les hommes ; que savez-vous faire », « Des enregistrements cardiaques et artériels ». « Alors il faut expérimenter la hiérarchie des niveaux de conscience ». Après quelques explications claires mais succinctes, car ce domaine nous était peu familier, nous entreprenons dans le service du professeur LAUBRY un travail expérimental sur les aspects circulatoires des sous–niveaux de la Conscience mentale que le « patron » veut bien signer avec nous. En même temps, nous approfondissons de notre mieux les doctrines hindoues et entrons dans la maçonnerie mixte « le Droit humain », heureuse de naviguer dans des milieux sans misogynie.
Une année plus tard, le Pr. MARCAULT déclare « Si vous voulez travailler plus avant à la connaissance de l’homme, c’est en Inde qu’il faut aller et faire des travaux expérimentaux sur les yogis. Si vous m’accompagnez au Jubilé de Diamant de la Société Théosophique, à ADYAR, je vous guiderai dans cette tâche ». Quoique baignée dans un océan d’ignorance et d’impossibilités, nous acceptons puisqu’il s’agissait de servir les Maîtres. Le « CIEL » fit le reste, comme on pouvait s’y attendre, pour surmonter les impédiments. C’est alors que notre premier yogi fut Sri KRISNAMACHARYA, enregistré pendant quinze jours dans l’école de yoga du Maharaja de MYSORE dont il était le directeur. […]
La parution d’un article sur nos études instrumentales concernant les yogis attira l’attention d’une branche de l’université de Harvard: nous accueillant en tant que membre, elle nous demanda des articles sur l' »altruisme créateur », avec possibilité ultérieure de mission en Inde pour y détecter le rôle du yoga dans l’éclosion de l’altruisme.
Ce même voyage nous mit en contact avec un membre influent de l’UNESCO, qui allait promouvoir notre nomination dans son Secrétariat, en charge des problèmes éducatifs de l’Enfance Victime de la Guerre. Cette nouvelle attribution professionnelle se révéla passionnante au cours de trois années consécutives, en dépit de terribles attaques de « forces adverses » qui, avec acharnement mais en vain, s’efforçaient de soustraire nos travaux à la publication. Notre collaboration passée avec le Professeur MARCAULT dans le cadre de l’Education nous avait dotée d’une compétence d’avant-garde concernant ce domaine totalement étranger à notre formation universitaire.
C’est au cours de cette période que surgit une bifurcation capitale dans notre vie spirituelle. Y avait-il antinomie entre KRISHNAMURTI et la Société Théosophique? Une lecture superficielle des « Entretiens » en tant que théosophe n’avait pas attiré notre attention sur une incompatibilité mais telle n’était pas l’appréciation officielle. KRISHNAJI, fort de son expérience intérieure cruciale s’était intégralement dégagé de la Société et conseillait à chacun, en vue de l’obtention du « Réel », une autonomie libre de toute institution quelle qu’elle soit, et déliée de tout dogme, fut-i! aussi libéral que celui de l’Hindouisme. Les uns crièrent à la trahison, les autres démissionnèrent tout simplement.
Ayant eu enfin l’occasion de l’entendre pour la première fois, et con-vaincue de son rôle prédestiné d’instructeur mondial en vue de transposer les consciences du niveau de la dualité au niveau de l’Universel, nous attachions un prix énorme à cette rencontre.
[…]
L’impact spirituel de cette approche de KRISHNAMURTI nous amena, nous aussi, à quitter la Société Théosophique. La démission à l’UNESCO s’imposait également, les activités à plein temps n’autorisant pas les nouvelles missions en Inde qui nous étaient proposées. Ces dernières furent de deux ordres; à quelques années d’intervalle, concernant toujours, l’une et l’autre, l’enregistrement des yogis: l’Université de Harvard intéressée par leur psychologie, l’Ecole Française d’Extrême-Orient par l’exécution de performances rigoureusement traditionnelles.
[…] ”
Les cahiers du yoga, n°40, juin 1982, pp. 2-26.