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Vies ultérieures : genèse du mental

Publié le 03 mai 2005

La naissance d’un être humain s’accompagne normalement de l’acceptation et du respect par ses parents et son entourage de son corps mais aussi et surtout de son être et de son droit à l’existence. Si ce n’est pas le cas, le travail du psychanalyste est d’aider le patient à revenir à sa propre naissance pour en prendre conscience et la compléter au lieu de l’ignorer.

I. REGARDS SUR L’INCARNATION

« En premier lieu, je propose de reconsidérer ce qui va se passer de la conception à la naissance du point de vue de ce qui vient au monde, et je distinguerai trois moments : tout d’abord, la gestation, c’est-à-dire la formation du corps; ensuite la rencontre de l’être en voie d’incarnation avec ce corps. A partir de ce moment là, quelque soit le moment où cela se passe, on peut penser qu’il y a expérience puisqu’il y a quelqu’un. Le corps seul ne peut pas faire d’expérience, puisqu’il n’y a personne pour la vivre. Enfin, une fois le corps né, et au moyen de ce corps, cet être devenu celui-là et non un autre, va rencontrer le monde, sa mère et les autres. »

« À partir de là, on peut supposer qu’un certain nombre de difficultés de naissance sont la conséquence, la suite logique et la manifestation de ces expériences, témoignant par là même de la façon particulière dont un individu aura plus ou moins accepté son incarnation, la prise de contact de l’être avec le corps engageant cet être dans le temps, l’espace et le devenir. »

« (Une mauvaise expérience de naissance) sera d’autant plus « toxique » dans la vie d’une personne qu’elle s’est passée silencieusement, dans le secret des premiers temps de la vie, qu’elle aura été confondue avec l’expérience de naissance. Parce qu’elle n’aura pas été reconnue ni même imaginée comme possible, comme existante par quiconque, elle restera informulable bien qu’insistante dans des formes indirectes. »

« À l’écoute des patients, ce qui m’apparaît de plus en plus clairement, c’est que ces expériences premières : la rencontre entre l’être et son corps, la naissance et la rencontre de cet être par le biais de son corps avec les parents et l’entourage, constituent la base de toute la problématique ultérieure. C’est que dans le cours d’un travail thérapeutique, sans cesse, ainsi que dans la vie de chacun de nous, se répètent, se rejouent constamment ces expériences premières; elles taraudent constamment la vie de chacun, cherchant à travers les répétitions l’accomplissement qui ne s’est pas trouvé à l’origine. Faire confiance à cela permet de regarder la vie actuelle de la personne en tant que mise en oeuvre permanente des éléments nécessaires à l’achèvement de la naissance, nécessaires à l’intégration de ce que ces expériences ont eu de difficile, et enfin nécessaires à la transformation de la difficulté en ressource, pour peu que la lecture qui en est faite permette d’en saisir le sens. »

II. L’ÊTRE INCARNÉ, L’IDENTIFICATION FIXÉE AU CORPS ET LES AUTRES

« Ne serait-il pas intéressant de considérer le nouveau-né et le petit enfant du point de vue de son ampleur, de son ouverture et de l’immensité de l’amour qu’il porte en lui ? du point de vue aussi de sa façon d’être sans idées préconçues, sans a priori et sans jugement, porteur d’un immense amour qu’il ne peut ni ne va chercher à imposer à quiconque? »

« L’enfant construira son identité sur la base de ce qui, de lui, aura été reconnu, c’est-à-dire principalement à partir de son corps et de l’indentification à son corps, sur ce qui de lui est né avec son corps, a été reçu, reconnu, identifié, témoignant de son appartenance au monde. La part non reconnue sera comme inexistante aux yeux du monde et va aussi le devenir aux yeux mêmes de l’enfant (…) »

III. L’ETRE, LE CORPS ET LE MENTAL

« Pour l’enfant qui arrive, que va-t-il se passer ? Il est présence, on le prend pour son corps, il est obligé, par son corps, pour survivre, d’établir le contact avec l’autre qui s’occupe de lui, ce contact et cette relation s’établissant selon des règles et des critères définis par celui qui accueille et non par l’enfant. L’enfant est présence ; il ne s’impose pas autrement que par son corps ; ce n’est pas sa présence qui s’impose ou va chercher à s’imposer, si ce n’est parfois en tant que vulnérabilité, ouverture. Mais le plus souvent cette vulnérabilité ne sera pas reconnue pour ce qu’elle est, c’est-àdire en tenant compte de l’expérience que fait l’enfant de son point de vue, mais elle sera confondue avec la « fragilité » physique. »

« C’est donc sur cet écart entre présence absentée et corps dominant que va se construire la personnalité de l’enfant, sa problématique et son devenir. Dans cette perspective, le mental apparaît comme l’ensemble des solutions inventées, élaborées et mises en place par l’enfant pris dans la logique du corps, depuis sa naissance, pour, sans se perdre complètement, établir la communication avec les autres qui prennent soin de lui en l’identifiant par son corps. »

« L’enfant est donc amené à accepter une communication incomplète, dans laquelle la totalité de son mouvement vers l’autre ne sera pas reçue. La communication sera incomplete, du fait que le point de vue des parents est lui-même limité, et du même coup limitant, pour l’enfant qui n’a aucun moyen ni aucune raison a priori de refuser ce point de vue qui s’impose à lui. Peu à peu, ce que les parents considèrent comme la réalité va s’imposer à l’enfant, devenir la réalité, celle-ci étant entachée d’incomplétude, c’est-à-dire en partie irréelle. »

IV. LA NAISSANCE

1. La naissance-événement : histoire et préhistoire

« C’est la naissance considérée d’un point de vue que l’on pourrait appeler extérieur, en ce sens qu’il ne désigne pas d’abord l’expérience de la personne, mais qu’il pointe la naissance comme temps zéro de l’histoire relativement à une personne, en lien avec le fait que, devenue biologiquement autonome, elle devient directement visible par son corps. »

2. La naissance-mouvement

« Il sera question ici d’élan et de vitalité. Il s’agit de considérer la naissance comme un mouvement qui fait irruption, un jaillissement. C’est l’expérience et l’énergie de ce qui commence, assimilable analogiquement au mouvement du printemps, au lever du jour. L’énergie y est à son maximum du point de vue de son potentiel ; par opposition à la réalisation de son déploiement, elle est en puissance. »

« L’expérience de naissance est certes incontournable, non pas au sens d’une fatalité à laquelle on ne pourrait plus échapper dans la forme qu’elle a prise au moment de la naissance première, mais bien plutôt au sens où il est impératif d’y revenir, de la reconsidérer pour la transformer, et pour disposer à nouveau de l’intensité et de la totalité de cet élan pour sa vie actuelle, plutôt que de reconduire et revivre sans cesse les aléas qui l’ont limité. »

3. La naissance-passage

« Ce point de vue est corrélé au précédent ; il fait appel à la notion de cycles et à la façon dont les cycles s’articulent entre eux. Il est question ici de mutation, de transformation, de métamorphose. C’est la façon dont une personne abordera l’inconnu et la perspective d’un changement radical. »

« Dans le concret de la situation thérapeutique, et dans une perspective de travail à propos de la naissance, ces trois plans – l’événement, le mouvement, le passage – me semblent couvrir les éléments essentiels utiles à ce travail. L’événement donne, en quelque sorte, la structure concrète de la naissance, sa couleur particulière, les grandes lignes de sa dynamique et ce qui aura pu être facilitant ou au contraire obstacle ou empêchement. Le mouvement, lui, donnera la couleur énergétique de la naissance à partir de celui qui nait, sa dynamique intérieure. »

Revue Française de Yoga, N°11, « La mémoire. », janvier 1995, pp.83-106.

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