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La médecine traditionnelle chinoise

par Jean-Marc Kespi | Publié le 23 septembre 2003

La médecine chinoise repose sur deux principes fondamentaux : le yin-yang, selon lequel une chose et son contraire coexistent toujours, et le wu xing, selon lequel tous les phénomènes de la vie sont liés aux cinq éléments. C’est d’après ces principes qu’il faut approcher la maladie. Le symbolisme du corps est aussi extrêmement important dans la tradition chinoise.

« La médecine traditionnelle chinoise se fonde sur une pratique millénaire et sur une élaboration théorique de l’homme sain et malade, elle aussi millénaire. La pratique de l’acupuncture, du massage, de la phytothérapie, de la diététique, des techniques corporelles… s’est sans cesse enrichie de multiples observations et expériences.

L’élaboration théorique, dont il faut dire l’évolutivité et les contradictions, est basée sur les principes du yin yang et des wu xing : Yin yang, principe de dualité et de contradiction, pose que toujours coexistent aux mêmes lieux et temps une chose et son contraire; wu xing, système de classification, établit des correspondances entre tous les phénomènes de la vie et les cinq « éléments » ou « mouvements ».

Elle fonde le fonctionnement du corps sur quatre idéogramme: ti, structurer; qu, classer et nommer pour pouvoir administrer; xing, la forme corporelle, l’aspect sensible; shen, la personne, la coordination de tous les éléments du vivant.
[…]

La vie est yin et yang, conformité et non conformité, normalité et anormalité, santé et maladie. La maladie, apparente ou non, est « normale ». Elle est fondamentalement toujours liée à une inéluctable non-conformité avec l’ordre naturel du vivant qui est en chacun: l’acquisition de cette conformité est le but de toute une vie: parvenir à la « spontanéité naturelle », car cet ordre est naturel et non social, religieux ou moral : ou plutôt idéalement l’ordre social, moral, religieux devrait être le reflet de cet ordre naturel.

Des agents agressifs extérieurs peuvent être des facteurs déclenchants, climatiques, alimentaires, viraux, microbiens, traumatiques, psychologiques… Ils révèlent toujours un déséquilibre sous-jacent. Ce déséquilibre perturbe un ou plusieurs des mécanismes plus haut décrits, entraînant l’apparition des symptômes correspondants, énergétiques et somatiques, corporels et psychiques.

Si ces mécanismes s’intriquent, s’induisant l’un l’autre, un cercle vicieux se crée, la maladie se chronicise. Elle ira en se complexifiant avec le temps. Pour traiter, la médecine chinoise fait appel à différentes méthodes se fondant sur ces mêmes bases théoriques : l’acupuncture, qui agit sur des points, noeuds énergétiques, où émergent toutes les fonctions du corps; le massage, la phytothérapie, qui préconise l’utilisation de produits végétaux, minéraux ou animaux. La diététique, qui prescrit l’absorption de tel ou tel aliment selon la typologie de chacun, son mode de vie, la saison, la géographie, et les techniques corporelles, tai ji quan ou qi qong, toujours basées sur les mêmes circulations d’énergie, participent de la prévention, c’est-à-dire du maintien d’une harmonie interne et avec les différents milieux, y compris cosmiques, dans lesquels nous vivons.

En arrière-plan de ces corpus théorique et pratique, nous retrouvons des perspectives socioculturelles, psychologiques, symboliques, cosmiques et spirituelles.

Le symbolisme du corps nous paraît ici important au plan de la compréhension des symptômes et de leurs relations. Evoquons par exemple la tripartition Ciel-Homme-Terre. -La tête est Ciel, le tronc, Homme, les membres inférieurs, Terre. A la tête, le crâne est Ciel, la partie supérieure du visage avec le nez, les yeux, les oreilles, Homme, et la partie inférieure avec la bouche, Terre. Au tronc, le thorax est Ciel, l’épigastre, Homme, le pelvis, Terre. Aux membres inférieurs, les cuisses sont Ciel, les jambes, Homme, et les pieds, Terre.

La perspective cosmique est ici toujours sous-jacente. L’homme est considéré selon les cas comme microcosme ou macrocosme, mais l’analogie est toujours présente. Elle instaure une solidarité du vivant. Tous les êtres vivants sont inéluctablement solidaires. L’amour et la charité seront donnés de surcroît; cette solidarité est… quoique l’on soit ou fasse, y compris avec l’objet naturel le plus apparemment « inanimé ».
[…]

[…] La pratique conjointe de l’acupuncture et de la médecine occidentale nous conduit d’abord à abandonner le sentiment de toute puissance. L’acupuncture ne peut tout guérir. Il convient souvent d’y associer une autre thérapeutique. De plus, nous sommes là pour aider un être qui a la responsabilité de sa santé et de sa vie et non pour nous substituer à lui, même si les demandes de nos patients sont très variables.

Il nous arrive souvent de collaborer avec des psychothérapeutes analytiques. Ceci nous a amenés à concevoir l’existence d’une double mémoire cérébrale (corticale) et corporelle (musculaire). Tous les événements de notre vie, tous nos conflits et noeuds sont inscrits simultanément au niveau de notre cortex cérébral et en certains lieux de notre corps; le choix de ces lieux dépend de la forme des conflits et événements, de l’hérédité avec ses points faibles ou forts, de la personnalité de chacun, de son histoire… II n’y a pas de « psychosomatique »: la psyché n’induit pas le soma, le psychisme n’engendre pas la manifestation corporelle. II y a une double inscription psychique et corporelle, ces deux mémoires se relançant l’une l’autre. Et il convient idéalement d’agir aux deux niveaux.
[…]”

Revue Française de Yoga, n°3, « De la santé au salut », janvier 1991, pp. 37-42.

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